Serlynn, Seigneure de la Principauté de Khenerion

Serviteur du Calice Messages : 36 Date d'inscription : 19/07/2009

La nuit venait de tomber. La lune, voilée de quelques nuages, baignait le Sanctuaire du Calice d'une lumière tamisée. Les gardes effectuaient leurs premières rondes, pendant que les derniers citadins retraitaient dans leurs chaumières, soupirant d'aise à l'idée du repos bien mérité qui les attendait.

Rien ne semblait pouvoir troubler ce calme.
Et pourtant...

Un garde sortit de sa torpeur en remarquant une petite troupe au loin. Tous montés à cheval, les individus ne semblaient pas être plus d'une dizaine. S'avançant à vive allure, il était ardu de connaître leur intentions, si bien que la sentinelle fut tentée de sonner l'alerte.

Toutefois, lorsqu'elle arriva à une centaine de mètres de l'entrée du Sanctuaire, la troupe ralentit, jusqu'à venir s'arrêter devant la lourde porte. Dès lors, le garde observa plus attentivement les mystérieux arrivants. Leurs vêtements et attributs étaient relativement sobres, bien que la finition des quelques objets précieux qu'ils possédaient dénotaient une certaine richesse. Leurs destriers noirs et de pure race, malgré sans doute plusieurs jours de route, semblaient encore vigoureux. Et bien que tous encapuchonnés, le chef de la troupe se distinguait clairement : en tête de celle-ci, sa présence s'imposait d'elle-même, malgré son gabarit visiblement faible. Que de paradoxes !

Le garde, encore méfiant, ouvrit néanmoins la porte du Sanctuaire, et porta davantage son attention sur le dirigeant du groupe. Dirigeant qui d'ailleurs était une dirigeante, remarqua-t-il en venant à sa rencontre. Ou du moins, c'était sa pensée au vu des formes qu'il semblait deviner sous l'épaisse cape de celle-ci. A part cela, difficile d'en dire davantage sur le physique de la dame. Seuls deux émeraudes apparaissaient clairement sous la capuche, scrutant le garde.

Alors elle s'exprima, d'une voix profonde et assez grave, mais néanmoins terriblement féminine :

"Salutations. Je souhaiterais m'entretenir avec les Seigneurs du Calice. Mon nom est Serlynn, Seigneure de la Principauté de Khenerion, dans la Thassopole de l'Est."

Ce furent ses uniques paroles, dénotant sa détermination et sa volonté de rencontrer les défenseurs de Thassopole au plus vite.

Comprenant cet état de fait, la sentinelle confia alors l'accueil du groupe à d'autres gardes, avant d'aller transmettre la demande.

Alors qu'une pâle lumière berçait la forteresse sanctuaire,aux fenêtres des quartiers du chancelier brillaient de sombres lueurs. Torches et bougies faisaient miroiter les contenus des multiples flasques et flacons, bouilloires et autres alambics propres à concevoir potions et substances. Koveras s'essayait en vain aux arcanes de l'alchimie, plus par jeux d'esprit que réelle conviction. Dans son fauteuil, il méditait face aux flammes qui consumaient les bûches de la cheminée. Il avait entamé la lecture de nombreux ouvrages, mais s'orientait de plus en plus vers la recherche d'artefacts antiques. Pour la première fois dans l'Histoire de Galathorn, on avait payé des soldats pour creuser aux abords de cités englouties et ruines séculaires. Koveras dévorait les livres les "Chroniques des Empires Disparus", en 4 volumes.

Sachant que leur seigneur et maître ne sommeillaient plus guère, sa garde personnelle n'hésitait plus à lui transmettre les nouvelles d'importance. La venue nocturne de la Dame de Khenerion en faisait assurément partie. Koveras se leva donc et revêtit un lourd pardessus de fourrure noire. Il feuilleta quelques papiers d'archives relatives aux terres de Khenerion avant de suivre un de ses capitaines. Un collier d'or ornait son torse, et cet éclat lumineux au milieu de ses habits noirs rehaussaient encore davantage la prestance des traits fatigués du chancelier, ainsi que la pâleur de son visage.

Il fit introduire la nouvelle arrivée dans les quartiers adéquats tandis que l'on s'occupait des montures et des serviteurs accompagnant dame Serlynn. Celle-ci arriva donc escortée, et elle revêtait des habits bien sobres et discrets pour une personne de sa qualité. Ses yeux d'émeraude frappèrent Koveras par leur ressemblance avec les siens, et cette similitude le rendit suspicieux. Exécutant une courte révérence, il accueillit l'hôte du Calice :

Haute Dame, c'est un honneur et un privilège rare que de vous voir en nos terres, et je remercie le Calice d'avoir guidé vos montures jusqu'à son sanctuaire, fusse à une telle heure. Je suis Koveras, seigneur de Galathorn et Ambassadeur en titre du Calice, et je sers autant que je le puis sa Détentrice, la Noble Halinna de Cérune. En son nom, je vous accueille donc en ces lieux et m'assurerai que vous et vos gens soyez traité selon votre rang, et que vous ne manquiez de rien.

Koveras s'arrêta de parler. Sans mot dire, les gardes s'en allèrent et des serviteurs entrèrent aussitôt. Ils disposèrent des coupes d'argent emplies de fruit et quelques vins et autres boissons adaptées. Un serviteur proposa à dame Serlynn d'ôter sa cape.

De toute évidence, Koveras était habitué à ce genre de visites.

Lorsqu'ils furent seuls, Koveras l'invita à s'asseoir. Puis, lui-même s'asseyant, il continua d'une voix chaude et calme, son regard brillant fixé dans les yeux de dame Serlynn.

Si je puis me permettre, madame, votre nom me semble familier et je sus sûr que l'écho de votre renom a franchit la porte de mes appartements. Je serai toutefois ravi de vous entendre dévoiler les motifs de votre venue. L'appel du Calice aurait-il retentit en Khenerion?

Tout en attendant une réponse, le chancelier avança d'un geste une coupe de fruit et dirigeait le flacon de vin vers le verre de dame Serlynn, afin de lui en proposer. Son esprit restait néanmoins à l'affût, et Koveras se demandait si son Seigneur-Barde Naïsso n'avait pas déjà évoqué les terres de Khenerion.

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Peu de temps après le départ du garde qui l'avait accueillie, la Maîtresse de Khenerion fut escortée, en compagnie de ses subalternes, dans des quartiers appropriés. Ceux-ci témoignaient de la richesse de l'armada, mais cela n'était sans doute qu'un aperçu de la magnificence des lieux. Après tout, cela n'était pas le Sanctuaire du Calice pour rien, et la présence de ce dernier justifiait de telles fournitures...

Sortant de sa contemplation, la Dame retira sa cape, et ordonna à ses suivants d'en faire de même. L'apparence de la Seigneure fut enfin mise en lumière : la première chose à apparaître fut une robe de tissu noir, suffisamment légère pour ne pas entraver ses mouvements, mais suffisamment ouvragée pour conserver une élégance certaine. Une ceinture d'argent sertie de quelques rubis entourait sa taille fine, et l'on pouvait remarquer une dague, décorée de la même manière, accrochée à celle-ci. Quelques bagues et bracelets ornaient ses mains délicates, en restant toutefois discrets, tout comme le fin collier qu'elle portait. De longs cheveux ébènes tombaient en cascade jusqu'au milieu de son dos, et encadraient ses traits fins. En s'attardant sur son visage, l'on pouvait remarquer un diadème sur son front pâle. Mais les yeux de la jeune femme étaient sans aucun conteste ce qui retenait le plus l'attention : deux prunelles couleur émeraude, d'une intensité rare, comme si ces dernières cherchaient à explorer jusqu'aux tréfonds de l'âme des êtres qu'elles observaient.

Prunelles qui d'ailleurs se détournèrent des ouvrages architecturaux des lieux pour fixer leur attention sur le Seigneur qui venait d'arriver. Son charisme inspira tout son respect à Serlynn, qui n'eut aucun mal à reconnaître le Sire Koveras. Non pas qu'elle l'eût déjà rencontré, mais les rumeurs qu'elle avait entendues à son sujet suffisaient. Toutefois, elle ne manqua pas de remarquer la fatigue évidente du Capitaine, dont les traits tirés et la pâleur n'entachaient cependant pas la prestance.

La Dame de Khenerion s'inclina lorsque l'Ambassadeur du Calice vint à sa rencontre. Ses paroles dénotaient toute sa ferveur, chose à laquelle Serlynn fut particulièrement sensible.

"Sire, je suis immensément honorée que ce soit vous qui m'accueilliez en personne, malgré l'arrivée si tardive dont je m'excuse. La Principauté de Khenerion est un royaume modeste après tout, et ne peut que s'incliner devant les fastes du Sanctuaire du Calice. Ce n'est que trop d'honneur."

Les gardes quittèrent alors les lieux, pour laisser place à des serviteurs. L'un d'eux récupéra la cape que la Dame tenait toujours en main, tandis que les autres apportaient divers mets d'apparence fort délicats. Après plusieurs jours de route, ils apparaissaient comme un doux réconfort, que Serlynn appréciait d'avance.

Les serviteurs partirent à leur tour, laissant le Seigneur du Calice et la jeune femme seule. Invitée à s'asseoir, celle-ci s'exécuta en remerciant son hôte d'un léger mouvement de tête. Écoutant ses paroles, Serlynn constata avec étonnement qu'il avait déjà entendu parler d'elle. Acceptant le vin que le Capitaine lui servait, elle prit alors la parole :

"Seigneur, je suis surprise d'apprendre cela. Il est vrai que mon arrivée récente au trône a sans doute suscité des échos en dehors des frontières de Khenerion, mais je n'aurais pas imaginé qu'ils aillent si loin... Toujours est-il que je peine à redresser le royaume après la mort de son précédent souverain...

La jeune femme se tut un court instant. Elle n'avait pas mentionné à voix haute le nom de l'ancien roi, pour lequel Khenerion était si tristement connue : Mirindel, ou plutôt, Mirindel le Fou... L'instigateur d'une ère sombre que Serlynn s'efforçait de faire disparaître, au profit d'un âge nouveau et glorieux. Il était désormais temps de dévoiler à Koveras les motifs de sa venue :

"En effet, j'ai senti l'appel du Calice en Khenerion, et la vérité est alors apparue à mes yeux : je devais venir à votre rencontre. Le Destin me l'a ordonné, et je n'irai pas contre sa volonté. Je suis donc venue rejoindre les rangs du Calice ! Ma personne, ainsi que mon royaume tout entier, sont désireux de se dévouer entièrement à Sa cause !"

Le sort en était jeté. Restait à voir si sa demande porterait ses fruits... Elle l'espérait de tout cœur.

Koveras plissa les yeux. Un demi-sourire ornait toujours son visage et il joignit ses deux mains en restant silencieux. Une sourde joie l'avait envahi, et ce qu'annonçait la reine de Khenerion vérifiait ses hypothèses. Longtemps le seigneur de Galathorn était resté sceptique devant les pouvoirs du Calice, longtemps il avait fermé les yeux, ne voyant que l'intérêt qu'il pouvait retirer de cette association de seigneurs. Peu à peu, il s'était pris à croire à la rhétorique qu'il déclamait à la face des autres armadas, et enfin -il en était sûr- la puissance du Calice s'était vérifiée. Depuis des mois des seigneurs affluaient, répondant à l'appel de cet artefact découvert par dame Halinna en Cérune. Ce qu'il avait lu dernièrement l'encourageait à admettre l'indéniable vérité : le pouvoir du Calice s'était éveillé. Et maintenant voici que cette dame Serlynn, au port aussi noble qu'elle était modeste dans ses propos, venait ici en pleine nuit se soumettre à ce nouveau pouvoir...

Noble Dame, je ne doute pas que vos vœux soient le fruit d'une mûre réflexion.Vos intentions sont louables, et je ferai tout pour que vous serviez au mieux le Calice. Cependant, sachez que seule Dame Halinna de Cérune a autorité pour sceller de son sceau votre intronisation officielle comme serviteur du Calice. Or dame Halinna est présentement en expédition dans le nord de ses terres, et je ne sais quand elle reviendra. Aussi je ne peux que vous encourager à faire preuve de patience en oeuvrant déjà pour le Calice. Les Pirates Mutants se sont à de multiples reprises opposé à sa grandeur, et nul doute que le Calice se satisfasse de leurs déboires, même s'ils sont l'œuvre d'une reine encore indépendante...

Le Diplomate se sentait de bonne humeur. Il se leva donc, et Serlynn put voir la prestance du seigneur de Galathorn malgré sa fatigue et les atteintes du temps. Dans ses yeux brillaient une lueur inquiétante et son regard semblait pénétrer les âmes. Et toujours ce sourire...
Koveras prit le flacon de vin qu'il avait fait quérir, et il le commenta tandis que dame Serlynn en avait une coupe en main:

Mais goûtez-donc de ce nectar. Ceci est du vin de Nargothrond, issus des ceps de ces terres lointaines et abandonnées qui furent autrefois le cœur d'un puissant royaume, dirigé par un grand roi. Il ne reste là-bas que ronces, ruines et souvenirs. Mais par ces pieds replantés en Galathorn, on rêve pour un temps la gloire passée de héros oubliés...
A cette évocation, Serlynn put deviner la préoccupation de Koveras pour le temps qui passait. Le vin avait une couleur sombre, et son odeur semblait aussi puissante que suave.
On dit que ce vin soignait les âmes et chassait les mauvaises pensées et que , par là même, il liait de franche amitié ceux qui le buvaient dans une même coupe.
Koveras brandit la coupe, son regard toujours fixé dans ces yeux de Serlynn qui ressemblaient tant aux siens. Cette femme n'était pas une femme ordinaire, Koveras le sentait. Quelque chose le poussait à lui prodiguer davantage que des conseils. Une puissante impression de déjà-vu saisissait le diplomate. Koveras n'aimait pas être troublé, et il changea de sujet de conversation :

Mmm mais parlez moi donc de vos terres... et de vous noble dame. J'ai grand hâte de vous connaître mieux....

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Suite à sa déclaration, l'Ambassadeur du Calice plissa les yeux, et resta silencieux un instant. Son sourire n'avait pas quitté son visage, mais Serlynn ne connaissait pas suffisamment le Seigneur pour savoir comment l'interpréter. Était-ce bon signe ? Ou au contraire, était-ce un mauvais présage ? La jeune souveraine l'ignorait totalement. Malgré cela, elle ne laissa pas transparaître son malaise, et se contenta d'attendre patiemment la réponse de son hôte.

Et la réponse en question rassura grandement Serlynn. Koveras semblait favorable à son entrée dans les rangs du Calice, mais seule Halinna, actuellement absente, avait le pouvoir d'officialiser cette entrée. En attendant, il l'encourageait à servir d'ores et déjà le Calice, de manière officieuse. Chose que la Dame de Khenerion avait anticipé :

"Je vous remercie de porter une telle attention à ma requête, Sire. En ce qui concerne vos ennemis, mes troupes se sont déjà attaquées à plusieurs d'entre eux, notamment ces barbares incivilisés... Les Fils de Brak, comme ils aiment se nommer. Mes renseignements m'ont en effet appris qu'ils vous avaient déclaré la guerre. Oser comparer la grandeur du Calice à leur barbarie... Quelle ignominie !"

Ses sourcils s'étaient froncés à cette remarque, témoins de l'indignation de la reine. Toutefois, le Seigneur de Galathorn parvint aussitôt à la calmer par sa présence : venant de se lever, il fixa Serlynn d'un regard perçant, presque déstabilisant. Nul doute qu'il valait mieux être dans le camp du Capitaine, car bien qu'il fût d'une noblesse certaine, la jeune femme savait pertinemment qu'il devait se montrer impitoyable sur le champ de bataille...

Sur son invitation, l'assassine porta la coupe de vin qu'elle avait en main sous son nez délicat. La fragrance qui s'en dégageait était effectivement puissante, mille et une nuances se mélangeant, se distinguant, s'échangeant, dans une danse effrénée. Un parfum enivrant, qui avec sa couleur donnait un excellent aperçu du goût divin que ce vin devait avoir.

Esquissant un léger sourire, Serlynn leva sa coupe à son tour :

"Puisse alors ce vin lier une nouvelle amitié."

Et elle trempa légèrement les lèvres dans le sombre breuvage. Comme elle l'avait imaginé, son goût était fort, mais également très délicat. Un étrange paradoxe, néanmoins plaisant.

"Ce vin est divin. Une chance qu'il ne soit pas tombé dans l'oubli. Malheureusement, ce sort n'est que trop souvent réservé aux richesses des royaumes pillés ou détruits par leurs assaillants..."

Hélas, rares étaient les assaillants à avoir la présence d'esprit de préserver ces trésors...

Mais alors qu'elle se perdait dans ses pensées, Koveras la tira de sa rêverie en souhaitant en savoir davantage sur elle et ses terres. Reposant la coupe de vin sur la table, Serlynn ferma les yeux quelques instants. Par où commencer ? Bien que son royaume fût d'une taille et d'un rayonnement réduits, de nombreux évènements tumultueux s'étaient succédé ces derniers temps...

"Khenerion est une petite principauté de la région Est de Thassopole. Elle se situe dans la vallée accidentée de Sipéria, là où coule la Merae, une rivière d'eau douce et claire, où sujets autant que nobles aiment se rafraîchir lorsque viennent les beaux jours. Le royaume enjambe celle-ci sur environ une lieue, là où son courant, quoique peu important, peut être le mieux maîtrisé. Cela permet d'alimenter plusieurs moulins à eau, qui permettent à nos artisans de travailler. La zone étant très forestière, nous n'avons pas non plus de problèmes pour nous procurer du bois en quantité suffisante pour l'ensemble de la population. De plus, nous replantons l'équivalent des arbres coupés, si bien que la région n'est jamais dénaturée.

De nombreuses collines entourent le royaume, et offrent une vision surélevée de Khenerion. A la tombée du jour, le paysage est à couper le souffle. Le château domine l'ensemble urbain, majestueux. Puis la ville en contrebas attire le regard, telle une immense fourmilière. Il y a en général beaucoup d'animation, jusqu'à des heures tardives..."

Elle se tut un instant. Malgré sa petitesse, Khenerion était un royaume où il faisait bon vivre. Enfin, cela était surtout le cas depuis la mort du roi Mirindel. Avant son décès cependant, c'était plus discutable...

Son regard se posant à nouveau sur le prestigieux Capitaine, Serlynn reprit la parole :

"En ce qui me concerne, je suis depuis peu la dirigeante de ce royaume. Le précédent souverain, Mirindel, avait indiqué dans son testament qu'il souhaitait que je lui succède. N'ayant ni enfant ni même parent proche, il m'a choisi, alors que j'étais à la tête de la Guilde des Faucheurs de Secrets, un groupe d'espions et d'assassins à son service -bien nous fissions néanmoins un peu de mercenariat, lorsque les temps étaient difficiles-. A sa mort, j'ai donc pris sa succession, même si je demeure également maîtresse de la Guilde. Les personnes qui sont venues en ce Sanctuaire avec moi en sont d'ailleurs les plus valeureux membres."

Serlynn se tut à nouveau, reprenant une gorgée du délicieux nectar que Koveras lui avait servi. Ses yeux n'avaient pas quitté celui-ci, attendant de voir s'il souhaitait en savoir plus, ou s'il allait, au contraire, parler de lui à son tour...

Le seigneur de Galathron s'abreuva avec avidité des paroles de la charmante Serlynn. Le regard brillant d'une sombre malice, il étudiait son anatomie tout en se demandant se que pouvaient bien cacher ses propos. A coup sûr sa description de Khenerion était saisissante, et sans doute très fidèle. Mais son récit avait une intonation assez mièvre qui contrastait avec le sombre office qu'exerçait la reine : assassin. Cherchait-elle à cacher son jeu? Koveras pensa que non, et qu'il avait en fait à faire à une espèce de dirigeant bien plus dangereux que lui-même : celle qui apprécie véritablement sa terre, sa patrie, et s'entêtera envers et contre tout à la défendre. Ce genre d'animaux accrochés à leur antre irritaient Koveras, même s'ils leur reconnaissaient une indéniable bravoure au combat.
La vie d'errance qu'avait longtemps eu le chancelier l'avait amené à ne pas trop s'attacher eux choses et aux lieux. Tout juste appréciait-il la compagnie de certains, et encore n'aimait-il guère le montrer. En l'occurrence, il décida qu'il appréciait Serlynn. Le vin y était peut-être pour quelque chose, qui sait?

Koveras allait répondre lorsqu'on frappa.
Qu'est-ce donc? J'avais ordonné qu'on ne nous dérange pas!
La porte s'entrouvrit, et apparut la fine silhouette d'une jeune homme aux traits efféminés et à la blonde chevelure. Une épée battait son flanc et son accoutrement indiquait qu'il disposait d'un rang élevé dans la garde du chancelier. Une cicatrice barrait sa joue de la lèvre à l'oreille. Le seigneur de Galathorn ne montre alors pas d'irritation et, s'excusant un bref instant auprès de Serlynn, passa dans une pièce adjacente et semblai écouter un mystérieux rapport.

Serlynn eut alors le loisir de mieux apprécier le lieu où elle se trouvait. L'endroit était de bon goût, et d'une décoration raffinée. Nul doute que les peintures, teintures et sculptures qui ornaient la salle avaient été pillé aux quatre coins de Kalamaï. Figurait de nombreuses représentations de Koveras. Une tapisserie immense couvrant un pan de mur montrait une immense champ de bataille, avec en premier plan à gauche Koveras debout, les bras croisés et regardant au loin. Tout de noir vêtu, le chancelier semblait regarder, impassible, le carnage qui s'offrait à lui. Des boiseries étaient finement sculptées d'entrelacs, et les coupes d'argent et de cristal étaient nombreuses. Sur une petite table, un peu à l'écart, Serlynn peut distinguer quelques cartes cramoisies. Jetant un coup d'œil curieux, elle y aperçut des écritures anciennes, et remarqua que les frontières et les lieux n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. De nombreuses annotations figuraient sur certaines sites. La petite bibliothèque ici présente était des plus éclectiques : traités de stratégies en vogue et descriptions géographiques s'y mêlaient aux côtés d'histoires saintes et d'ouvrages interdits. Koveras semblait tout prendre, sans s'enquérir de la moralité ou de la provenance de ses lectures ni de ses biens.

Des bruits de pas lui indiquèrent que la petite entrevue avait pris fin. Le mystérieux messager s'en retourna à travers la pièce, en la saluant courtoisement, tandis que revint ensuite Koveras.

Encore toutes mes excuses pour ce dérangement. Je vous assure que cela ne se reproduira pas.
Mais où en étions-nous donc?
Ah oui! Votre charmante contrée. Elle semblait une seigneurie agréable, et qui vaut qu'on se batte pour elle sans nul doute. J'ai entendu parler de votre petite guilde. Il y a longtemps de cela, sans doute, lorsque je n'étais encore rien... Quoiqu'il en soit, c'est assurément un heureux hasard qui a voulu que ce Mirindel meurt sans enfant, et vous désigne vous comme héritière. Une de ces surprises dont la Fortune est si friande...
Le sourire de Koveras accompagnait bien son regard : ses allusions quant aux causes de la mort de Mirindel étaient suffisamment claires à ses yeux.

Ravi que le vin vous plaise, je me suis donné un grand mal pour en obtenir. J'en ferai remettre un fût à vos gens si tel est votre désir. En attendant, je serai ravi de savoir en quoi je pourrais-vous satisfaire belle dame. Je pense que vous montrer vos quartiers serait peut-être de rigueur après un voyage comme le vôtre. Je vous invite à ma table demain. Mon barde, Naïsso, nous fera je l'espère l'honneur de quelques chants pour vous honorer...

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Ayant terminé son récit, Serlynn s'était tue, jaugeant les réactions de Koveras. Son regard, à la fois malicieux et scrutateur, ne la quittait pas. Cela était pour le moins perturbant... Toutefois, l'assassine parvint à dissimuler son trouble. Le Seigneur agissait-il toujours ainsi ? Ou était-ce juste une sorte de mise à l'épreuve ? Seul l'avenir le lui dirait, si cependant celui-ci lui était favorable...

Mais alors que le Capitaine s'apprêtait à lui répondre, quelques coups frappés à la porte le stoppèrent. Visiblement agacé, son hôte changea néanmoins de comportement en voyant de qui il s'agissait. De toute évidence, le jeune homme était un haut gradé de la garde du Seigneur, et devait détenir une nouvelle importante pour venir déranger son maître en pleine entrevue. Acceptant donc ses excuses d'un léger hochement de tête, la reine de Khenerion fut laissée seule, alors que Koveras partait dans une pièce adjacente.

Sa curiosité naturelle reprenant alors le dessus, Serlynn observa plus attentivement la salle où elle était assise. Bien qu'harmonieuse, la décoration était significative des agissements de l'ambassadeur : hétérogènes, les divers ornements de la pièce étaient probablement, à l'instar du vin auquel elle avait goûté, pillés dans divers royaumes que le Chevalier avaient attaqués. En guise de preuve, la gigantesque tapisserie contre l'un des murs montrait le genre de batailles dont il avait probablement été l'instigateur. Et au vu des nombreuses richesses réunies en ce lieu, nul doute qu'il en était sorti victorieux dans la plupart des cas. La petite table à l'écart attira alors son attention, et elle s'en rapprocha pour observer ce qui s'y trouvait de plus près. De nombreuses cartes, d'apparence anciennes, ainsi que de nombreux livres, traitant de sujets variés. Koveras semblait s'intéresser à de nombreuses choses, et les divers pillages aux quatre coins de Kalamaï étaient assurément une aubaine pour lui. Que de richesses ! Peut-être songerait-elle à lui emprunter deux ou trois de ces ouvrages...

Mais des bruits de pas interrompirent son observation. Allant alors se rasseoir, Serlynn vit les deux hommes sortir de la pièce. Le jeune chevalier quitta les lieux, après une rapide salutation, tandis que le Chancelier revint vers elle, s'excusant une nouvelle fois de l'interruption de leur entrevue. Chose à laquelle Serlynn répondit par un sourire :

"Ne vous en faites pas, Monseigneur. En tant que dirigeante, je connais bien ce genre de dérangement. "

Le Capitaine reprit alors la discussion là où il l'avait laissée. De toute évidence, il avait déjà entendu parler des Faucheurs de Secrets. Il était vrai qu'ils avaient parfois mené des missions en dehors de Khenerion, et leur renommée s'était dès lors étendue. Et elle s'étendrait encore davantage, si le Calice acceptait la dame de Khenerion parmi ses serviteurs... Tout reposait sur Sa décision, et elle espérait de tout cœur qu'elle serait positive.

S'ensuivirent des insinuations curieuses sur son ascension au pouvoir. Il était vrai que derrière la déclaration officielle du testament du roi Mirindel, ses circonstances étaient plutôt obscures... Mais le fait était là : elle était reine, et le précédent souverain était mort. Les moyens par lesquels elle était arrivée au trône, en comparaison, n'avaient que peu d'importance...

Comme s'il percevait ses pensées, Koveras changea alors de sujet, pour revenir sur le vin que la jeune femme avait complimenté. Il lui proposa alors de lui en remettre un fût, ce qui fit naître un nouveau sourire sur les lèvres de Serlynn.

"Très volontiers. Je pense que ma cour appréciera à sa juste valeur un tel trésor pour les sens."

Mais le fût pouvait attendre. A vrai dire, la fatigue commençait à se faire sentir chez la seigneure de Khenerion, après le voyage qui l'avait menée jusqu'au Sanctuaire du Calice. Il avait duré plusieurs jours, et bien qu'il n'y ait pas eu d'incidents, Serlynn se sentait épuisée. Quel ne fut alors pas son soulagement lorsque le Capitaine l'invita à rejoindre ses quartiers. Une bonne nuit de sommeil lui semblait de rigueur : il lui faudrait être parfaite pour le repas du lendemain. Après tout, d'autres Seigneurs du Calice seraient peut-être également présents...

Le nom du barde Naïsso parut familier aux oreilles de l'assassine, mais elle n'y fit pas vraiment attention sur le moment. Sa fatigue avait de toute évidence pris le dessus.

"Ce serait un plaisir que de rejoindre votre table demain, Sire. Et j'apprécierais également de voir mes quartiers. Je vous avoue qu'un tel voyage m'a épuisée, même si j'en ai l'habitude. Il faut croire que le corps humain n'est pas fait pour parcourir de telles distances..."

Koveras la guida ainsi jusqu'à ses quartiers. A l'instar des autres lieux qu'elle avait vus jusqu'à présent, la décoration était raffinée, témoignant de la richesse des Seigneurs du Calice. L'endroit était spacieux, et respirait la quiétude : l'idéal pour un repos bien mérité. Après avoir remercié son hôte, celui-ci prit congé. Elle ne tarda alors pas à mettre les vêtements de nuit laissés à sa disposition sur une chaise, et à s'installer dans l'immense lit finement ouvragé, et -elle le remarqua dès qu'elle fut allongée- merveilleusement confortable. Les bras de Morphée se refermèrent bientôt sur elle.

~~~

Le lendemain matin, Serlynn fut tirée du sommeil par les premiers rayons du Soleil qui perçaient à la fenêtre, malgré les lourds rideaux de velours carmin. Émergeant doucement, la jeune femme finit par se lever, quittant presque à regret le confort de la couche. Mais elle ne pouvait se permettre de paresser.

Accessible depuis la chambre, il y avait une salle de toilette, où un bain chaud l'attendait. Entrant dans la pièce, elle fut enveloppée d'un délicat parfum de rose, émanant du bain. Elle ne tarda alors pas à entrer dans l'eau, et soupira de bien-être au contact de celle-ci. La température idéale. Au moment où elle commença sa toilette, deux servantes entrèrent dans la pièce, par une petite porte au fond. Celles-ci venaient lui proposer plusieurs robes, ainsi que divers fruits, dont certains, exotiques, étaient inconnus de Serlynn. Choisissant une tenue vermeille assez simple, elle termina sa toilette et se vêtit, tout en goûtant quelques douceurs qui éveillèrent son appétit. Décidément, l'Ambassadeur du Calice savait accueillir les femmes à merveille...

Mais ce n'était pas la seule bonne surprise qui lui était réservée. A peine était-elle revenue dans la chambre, que l'on frappa à la porte.

"Entrez."

La porte s'ouvrit doucement, laissant apparaître un jeune page, d'une douzaine d'années tout au plus. Sur le plateau qu'il tenait était déposée une missive signée du cachet de Galathorn, ainsi que celui du Calice.

"Bonjour, Dame de Khenerion. Voici une missive du Seigneur Koveras qui vous est adressée."

Prenant l'enveloppe, Serlynn remercia le page, qui prit silencieusement congé. Elle l'ouvrit sans plus tarder :

"Dame,

Le retour de la reine Halinna m`a permis de me concerter rapidement avec elle. Se fiant à mon jugement, elle a accepté de vous faire entrer sans plus de tergiversations. Vous pouvez adjoindre vos bannières à celle du Calice de Jaspe.
Je vous félicite, et vous souhaite de trouver gloire et félicité à son service.

Que le Calice vous guide!

Bien à vous,
Koveras"

Un sourire radieux illumina le visage de la Dame de Khenerion. Alors qu'elle n'était arrivée que la veille, le Détentrice du Calice acceptait déjà qu'elle rejoigne ses rangs. Ravie, elle ouvrit la fenêtre de la chambre, pour contempler le jour à peine levé. Une nouvelle ère commençait pour Khenerion...

C'est avec un hâte bien mal dissimulée que le chancelier se fit annoncer auprès de dame Serlynn. Après quelques temps d'attente propre à la bienséance, Koveras put entrer. Serlynn vit un héraut aux traits raffermis et moins tirés que lors de sa venue. Un sorte de jeunesse semblait l'avoir repris et c'est avec une royale prestance rehaussée par ses habits de noir et d'argent qu'il la salua d'une révérence marquée et d'un baise main volontaire :

Belle Dame! Cela fait bien trop longtemps que je manque à mes devoirs en ne venant pas vous rendre visite. Vous avez du apprendre la bonté avec laquelle dame Halinna vous a accepté au sein du Calice. J'en ai été enchanté et c'est donc à une servante du Calice que j'adresse mon invitation à un prochain banquet. Je vous en avais touché mot à notre dernier entretien, mais les aléas de la politique avaient reporté ce festin. Je répare donc la faute commise en venant vous en faire l'annonce moi-même et vous prier de me faire l'honneur de votre éclatante présence...