Xanis, roi de Draziva

Le nain était assis sur un merlon, au nord d'Anaphe. Il avait quitté son royaume de Draziva quatre jours auparavant afin de se rendre à la capitale provinciale, jugeant que l'heure de sceller les alliances était arrivée.
Et alors l'appel du Calice s'était fait entendre...

Draziva s'était lentement élevé et bien que sa puissance ne côtoyât pas encore celle des plus grands, il restait un ennemi redoutable.
Le nain, court de jambes comme il se doit, se redressa et se posa en douceur sur le chemin de ronde. Sa longue barbe brune lui descendait jusqu'aux genoux et il prit garde de ne pas s'y prendre les pieds en avançant. Naturellement, il était venu en Anaphe seul, sans autre escorte que sa hache de guerre et quelques menus armements dissimulés ici et là dans son accoutrement.
Choisissant le chemin qu'il avait prit pour monter, mais dans le sens inverse, il prit un escalier quelques dizaines de pas sur sa gauche et le descendit. Au premier palier, il croisa un archer en armure qui frottait son arc bandé. Au palier du dessous, personne en vue. Les meurtrières laissaient filtrer le peu de lumière du soleil couchant. D'ici quelques minutes, l'endroit serait lugubre.
Après une dernière volée de marche, il retrouva l'air libre. Le ciel affichait des couleurs allant du bleu turquoise au dessus des murailles jusqu'au bleu marine de l'autre côté, à l'horizon. Quelque étoiles piquetaient déjà ce côté là.

De par ses origines, il ne courrait pas après la vie à ciel ouvert. La montagne et la caverne étaient les milieux qui lui convenaient le mieux.
Mais cette soirée avait tout pour charmer n'importe qui, quelle que soit sa race. Une douce brise courrait dans les ruelles, chassant les différents relents qui stagnaient en temps normal. L'air restait chaud et humide, mais le vent rendait celà tout à fait supportable, voire agréable.
Le petit homme suivit un dédale de rues et de ruelles plus ou moins bien éclairées et plus ou moins bien fréquentées. Fort heureusement, son attirail cliquetant et grinçant dissuadait les bandits que sa petite taille intéressait.

Dans les rues principales, des porteurs de flambeaux accompagnaient les grandes pontes de la ville afin de leur éclairer le passage.
Xanis profitait de cet éclairage pour repérer les endroits où il pouvait poser le pied sans avoir de surprise, quelle soit odorante ou glissante. Aussi, au bout de quelques temps arriva-t-il devant une grande bâtisse au style baroque. Des tentures luxurieuses couvraient les vitres et des colonnes tenaient un fronton sculpté à l'avant du bâtiment.
S'appuyant de toute sa petite taille sur les portes gardées par deux sentinelles, le nain entra dans un vestibule richement paré et dans lequel se trouvait un bureau qui dissimulait en parti un homme à la mine sévère.

" Je suis Xanis, fier Roi des terres de Draziva et je viens porter mon assistance aux disciples du Calice ! "

Elinos avait voulu lever les yeux sur le bruyant arrivant. Il s'aperçut rapidement qu'il valait mieux les abaisser. Un être petit mais trapu, barbu et néanmoins majestueux, c'était bel et bien un seigneur nain qui se trouvait à son bureau. Se levant afin de bien être vu du petit être, il rangea brièvement la paperasse qu'il remplissait.

Messire (le ton était des plus obséquieux), c'est un un grand privilège pour moi que d'accueillir en ces murs une personne de votre rang. Cependant, je me dois de vous informer que vous avez fait erreur. Ici nous recrutons les personnes d'humble extraction désireux de s'élever -ou de se racheter- en servant le Calice et ceux qui portent sa bannière. Pour les seigneurs et autres rois, il vaut mieux...

... s'adresser directement à la Détentrice du Calice, ou bien à son serviteur, le seigneur Koveras de Galathorn.
Xanis se retourna alors, tout cliquetant sous sa carapace de fer et d'acier. Il vit un homme jeune aux traits effémines et à la blonde chevelure tombant sur les épaules. A coup sûr il se serait gaussé, ou aurait pris ses distances envers cet individu aux mœurs troubles. Mais une longue cicatrice barrait sa joue de la bouche à l'œil, et ses muscles noueux indiquaient que l'homme savait manier les armes.
Si sa majesté veut bien me suivre, elle pourra faire part de ses désirs devant le chancelier en personne...
La voix était calme, presque terne. Néanmoins une forme d'intonation soulignait le caractère semi-impératif de la proposition.
Le roi de Draziva n'était nullement intimidé, mais il préférait toujours discuter face aux dirigeants plutôt que perdre du temps en compagnie de leurs serviteurs. C'est ainsi que, quelques minutes plus tard, le roi nain se trouva dans une salle d'audience publique d'où venait de sortir quelques quémandeurs qu'on avait renvoyé. Un homme à la noir chevelure teinté de gris était affaissé sur un haut fauteuil de bois. Ses traits était fins et son visage creux. L'homme était visiblement fatigué -ou assurément rongé par quelque mauvais sort ou sombre pensée- mais son regard était vif et pénétrant.
Seigneur, voici un roi étranger venu clamer son obédience envers le Calice !
Xanis identifia alors son hôte comme étant Koveras, le dictateur de la cité de Galathorn. Assurémment l'écho de son nom était parvenu jusqu'en Draziva, tout comme la gloire du Calice ou la terrible beauté de sa Détentrice, dame Halinna. Mais si le nom de Galathorn évoquait quelques souvenirs au roi nain, ce n'était ni en raison d'éventuels faits d'armes ou d'actions éclatantes. Le Diplomate du Calice était un être prompt à se tirer d'un mauvais pas et à la langue de miel. Le cynisme et la fourberie n'étaient à ses yeux pas un défaut, à ce qu'on murmurait. Xanis se tint coi pour le moment et choisit de voir à quoi s'en tenir.

La main droite de Koveras soutenait sa tête. Un léger sourire se forma sur son pâle visage.
Merci Ganis, tu peux nous laisser seuls.
Celui qui avait été le guide de Xanis se retira alors de quelques pas silencieux.

Ainsi ô seigneur désirez-vous suivre l'étendard de dame Halinna et vous rangez avec elle à l'ombre du Calice? Louables pensées! Nul ne doute ici de la combativité et de la robustesse du peuple nain, et nous avons parmis nous un des vôtres. Assurément il se réjouirait de votre compagnie. Cependant (à ces mots Koveras se leva, et bien qu'il fut grand Xanis vit à quel point l'homme semblait accablé d'un mystérieux poids)... cependant notre Très Haute et Très Respectée Détentrice a instaurée, avec le conseil, des restrictions quand à l'incorporation de nouveaux serviteurs.
Messire, il vous faudra prouver votre valeurs et démontrer vos talents oratoires. Que vos guerriers chassent les ennemis du Calice, et notamment ces vils seigneurs de la prétendue Union des Citoyens! Et que par votre bouche nous soyons assuré de vos qualités et de vos motivations! C'est à ce prix que vous pourrez convaincre la Dame au Calice et nous autres, et ainsi siéger à nos côtés et porter vos lèvres au Calice...

Le roi Xanis passa de longues minutes à se triturer la barbe en silence.
Bien qu'il ne redoutât nullement la mise à épreuve, s'y attendant presque, il était déçu que le Calice qui se voulait noble et équitable fasse une sélection à l'entrée. Finalement, il sortit de sa besace plusieurs mèches de cheveux tenues par des ficelles. Il les posa une à une sur le bureau de Koveras. Pendant qu'il disposait chacune face au Capitaine, il donnait le nom de leur propriétaire.

"Gheritarish, Seigneur de Thelvaenish.
Sen, Seigneure d`Andreita.
Trano, Conseiller d`Utyar.
Altharam, Seigneur d`Alycastre.
Ordak, Patriarche de la Vestale Argentée.
Driik, Chef de Kestata."

Après avoir déposa la dernière mèche sur le bureau, il y posa ses lourdes mains et fixa Koveras dans les yeux. L'humain mesurait au moins un demi mètre de plus que lui, mais il ne se sentait pas spécialement impressionné par le personnage. Certes, le Calice avait de quoi faire peur à ses ennemis, mais un légionnaire ne constitue pas une armée à lui seul.

"Naturellement, si vous êtes sceptiques, mes généraux peuvent vous faire parvenir la plupart des rapports dans les plus brefs délais. Les armées draziviennes ont défait tous ces ennemis sur leurs propres terres."

Le nain se laissa aller en arrière contre le dossier son siège.

"Mais j'ai une autre chose à vous proposer cher Koveras... Nous avons des ennemis communs et..."

Xanis saisit la plume de Koveras et un parchemin sur le bureau et y posa quelques lignes, de peur sur leurs dires soient épiés.