Les Chevaliers de l'Hanithar

La blanche colombe jaillit des nuages qui planaient au-dessus de Cérune ce jour-là. L'oiseau tournoya autour du donjon du château de Dame Halinna, puis franchit la fenêtre de la volière. Le jeune fauconnier en poste avisa le messager volant, et le rouleau qui pendait à sa patte. Délicatement, il décrocha le parchemin de la serre, et observa le sceau. Celui du royaume d'Enithar, assurément. La missive provenait surement du seigneur Han, se dit le fauconnier. Il appela le garde en faction devant la volière et lui dit de porter le message à la Dame Halinna.
Quelques minutes plus tard, la reine de Cérune tenait le parchemin entre ses mains, et parcourait du regard les lignes d'une écriture finement penchée annonçant des messages de paix :

"Dame Halinna,
C'est avec espoir que j'écris cette missive. Tout d'abord, ne voyez pas en l'envoi d'un simple pigeon voyageur le mépris que j'ai pour vous, car bientôt ma personne suivra.
Je pense que le louable Capitaine Koveras vous aura parlé de la mort probable dont il m'a sauvé, et de notre approbation à votre proposition de pacte de non-agression. Etant donné que j'ai une dette envers le seigneur de Galathorn, et que j'éprouve admiration et reconnaissance à son égard, je voudrais que nos relations diplomatiques aillent plus loin qu'un pacte.
Dans tous les cas, je vous promets, au nom des Chevaliers, de voler à votre secours si un jour vous en avez besoin, en raison de ma dette.
Nous pourrons parler de tout cela plus en détails lors de mon arrivée à Cérune, au Sanctuaire du Calice.

Veuillez agréer, au terme de cette brève missive, l'expression de mes sentiments les plus cordiaux.

Han, Chevalier d'Enithar."

Lorsqu'elle eut fini sa lecture, la Dame de Cérune chargea un page de ranger la missive dans les archives diplomatiques de Cérune, puis fit construire un petit bâtiment de bois, pour le seigneur Han et sa suite lorsqu'ils arriveraient. Puis elle partit faire la revue de ses troupes car, comme le dit si justement le divin Hassar, une armée sans cesse en activité est une armée invincible.

Le seigneur Han arriva la nuit. A pied. Seul son conseiller et ami Qaz était avec lui. Les deux courraient vite et silencieusement, tels de véloces et jeunes guépards.
Ce fut la sentinelle de la porte sud de la cité de Cérune qui les aperçut le premier. Il hésita à sonner l'alarme, car deux hommes vétus de noirs, silencieux et rapides comme des fauves pouvaient être de dangereux assassins. Mais sa curiosité l'emporta sur sa prudence, et il attendit l'arrivée des deux étrangers, qui furent bientôt au niveau de la grande porte. Le plus grand des deux, probablement un humain, leva la tête vers le garde.

- Je suis le seigneur Han d'Enithar ! Je suis attendu par Dame Halinna de Cérune, qui demeure au château, annonça-t-il.
- Nimporte qui peut dire être le tristement célèbre et moqueur Général Han, étranger. Quant à Dame Halinna, pas besoin de me dire qu'elle demeure au château, retorqua la sentinelle.
- N'insultez pas Sire Han, jeune garde, l'avertit le second étranger, un elfe noir.
- Laisse, Qaz. Sentinelle, vous aurez de sérieux problèmes si vous n'ouvrez pas cette porte, je peux vous le garantir. Vous pourriez entraver d'importantes décisions diplomatiques, et provoquer une guerre par votre seule prudence, bien que je ferai tout pour éviter le conflit.
- D'autant plus que votre grade ne vous permet pas de refuser l'entrée à des ambassadeurs de toutes races, sauf à des Loups-Garous les soirs de pleines lunes, conformément aux lois en vigueur à Cérune.

Le garde grogna, puis entrouvrit la porte pour permettre aux deux "ambassadeurs" d'entrer en ville.

- Prenez tout de même garde aux coupes-jarrets, leur conseilla la sentinelle.

Le Chevalier Han et son conseiller Qaz aquiescèrent, puis marchèrent vers la forteresse, se dissimulant aux yeux des mortels grâce à un sort du seigneur. Ils arrivèrent enfin au château, et s'approchèrent d'un garde.

- Bien le bonsoir, sentinelle, dit Han, cordialement. Peux tu nous indiquer l'ambassade de l'Hanithar, si elle existe ? Je suis le Chevalier Han.

La sentinelle leva un sourcil étonné, puis montra d'un signe de tête un petite bâtisse de bois, apparemment toute neuve. Qaz s'y dirigea, entra, puis ressortit, faisant signe à Han que la voie était libre.


- Bonne nuit, sentinelle, puisse Orfange vous sourire ! dit Han, remerciant le garde.

Il entra dans le bâtiment, disparaissant aux yeux de la sentinelle, qui observa un vol de Célestiaux cette nuit-là.

_ Votre Altesse, le Seigneur Han d'Enithar est en nos murs et...

D'un geste de la main la jeune reine intima à l'homme de faire silence.
La lune émergeait de sombres nuages, sa lumière blafarde, par le sommet de verre de la coupole, baignait la pièce d'une blancheur laiteuse. Si les pas lourds du garde avaient peuplés la pièces de milles et uns échos, bien vite ils furent avantageusement remplacés par le murmure apaisant des fontaines.

_ Préparez la garde.

Aussitôt l'homme repartit, il s'en fallut de quelques secondes pour que le martellement de ses bottes sur le marbre blanc ne se fasse imperceptible. C'est alors seulement que la jeune reine de Cérune, repoussant tout à la fois son ouvrage et sa fatigue, partit rejoindre ses hommes et son hôte. Laissant à la troupe le soin de se préparer, c'est en flânant à travers les Jardins d'Hivers qu'elle se rendit aux quartiers assignés à la représentation diplomatique. Une dizaine d'hommes d'armes, officier en tête, attendaient sur la place.

_ Faites votre office.

A ces mots, huit hallebardiers, prirent position en formant une haie d'honneur. La nuit faisant l'azure de leurs couleurs, singulièrement pâle, faisait ressortir avec éclat l'argent de leur livrée, ainsi que l'acier de leurs cuirasses et celui autrement plus menaçant de leurs couperets. Flanqué de deux pistoliers, le commandant vint tambouriner à la porte de l'ambassade.

_ Au nom de la Reine faites place ! Dame Halinna, Reine de Cérune et détentrice du Calice vient s'entretenir avec vous !

Sans attendre plus de réponse l'officier ouvrit la porte et pénétra en la pièce aussitôt imité par ses deux cerbères.

_Mon Seigneur, l'homme esquissa un salut respectueux à l'intention de Han.

Chaque pistolier ayant prit place d'un coté de la porte, ce fut alors au tour de la reine de faire son entrée en le logis de l'ambassade.

_Seigneur Han d'Enithar, soyez le bienvenu parmi nous. J'espère que votre périple ne fut point trop éprouvant.

Assurément vous n'avez pas parcouru les terres de Thassopole par simple désire d'aventure, quelle affaire saurait vous amener auprès de nous ? Venez-vous en tant que Seigneur-Palatin, Seigneur d'Enithar, ou bien encore en Maître des chevaliers de l'Hanitar ?

Tandis que le Chevalier Éclair patientait, un jeune homme aux cheveux noirs vint se présenter respectueusement devant lui. Après une révérence marquée, il tendit au seigneur d'Enithar un pli. On pouvait y lire, écrit d'une main attentionnée :

Citation :

Au Puissant, Craint et Respecté Seigneur Han, de la part du Chancelier du Calice Koveras de Galathorn,
salut!

J'ai appris voici quelques temps votre venue en notre sanctuaire. Cette nouvelle a réjoui mon cœur et je ne peux que regretter de ne pas pouvoir vous accueillir. Des affaires me retiennent loin au nord où je dois gérer quelques soucis survenus dans les mines de Galathorn. Sachez cependant que le Calice réfléchit avec attention à votre proposition, et que celle-ci fait l'objet de débats serrés. Aussi faut-il vous armer de patience et attendre le résultat des discussions en cours.

Je suis ravi de vous savoir enfin receptif à l'appel du Calice et ne doute pas qu'un jour, vous suiviez sa voix et soyez des nôtres. Cela est écrit...

Que la lumière du Calice vous guide messire,

Koveras

Cela devait faire bien une dizaine d'heure qu'il marchait. C'est dans une nuit glacial et pourvue d'une brume d'encre que la volonté de cet homme se manifestait. Il était plus que décidé à entrevoir la cité de cette reine, si belle soit elle, quelque peu ennuyée par les récents événements lui donnant un certain aspect hostile.
Une légère brise caressa son visage tandis qu'il continuait à marcher d'un pas lourd et régulier. Le froid l'avait contrait à s'envelopper d'une cape légère, le noir, autour de lui, était totale et quelques roches noires parsemées ici et là faisait penser qu'une mine de charbon ne devait pas être très loin. L'on pouvait apercevoir la silhouette d'un arbre mort, témoignant de la neutralité des landes parcourues. Le visage ensevelit et tremblant dans un bout de laine lui servant d'écharpe, il marchait les yeux fermés pour ne pas penser aux douleurs d'hiver des pieds et des extrémités des mains paraissant cassantes. Mais il ne s'arrêterait pas, sa marche était devenue sa respiration. Si sa respiration s'arrêtait, il s'arrêterait mais pas avant. Voilà toute la volonté de cet homme ayant dans sa poche gauche, enveloppé dans un mouchoir blanc avec l'initial J, un morceau de crouton de pain entamé.
Heureusement, l'on pouvait apercevoir à sa gauche trois feux au loin, mais rien d'autres. Il s'y dirigea, et, peu de temps après, arriva devant les remparts de la cité du sanctuaire du Calice. Par le froid qui courait, aucun garde n'était posté aux portes, alors avec une main pansementée et violette, l'homme frappa seulement deux coups faibles à la porte. Un petit carré de fenêtre s'ouvrit, affichant un visage jeune et robuste :

-Qui êtes vous dont msieur' ?

-Msieur' Oma soldat..... je viens de la cité des chevaliers de l'Hanithar

-Mmmh.... et alors ? Quelle justificatif avez vous ?

-He bien mon pti' ! Je le répète je suis des chevaliers de l'Hanithar. Et vous qui êtes vous.... ? Qu'importe ! Outrepassez l'illusion du bien dans la fidélité assidue des règles. Fait-il si noir que cela ?

-Ma foi, si vous me demandez de collaborer avec vous, l'inconnue, je ne peux pas, j'ai des ordres et j'en suis un fervent fidèle.

-Vous ne comprenez pas.
Ecouter : je pense bien qu'il y a des différents entre vous sur la question des Celestiaux et des chevaliers de l'Hanithar, mais tout de même ! Ne pensez vous pas, vous, qu'il soit naturel d'aider un homme dans la souffrance ?! Que la vie de chacun dépend de petits caprices d'idées d'autres ?! Qu'une simple histoire de fidélité suffit à refuser l'entrée à un homme tel que vous le voyez sous vos yeux jeunes en ce moments ?!
Bien sur l'honneur coule à flots dans votre sang mais soyez d'abord fidèle à l'objectivité.

-Hum... entrer

Certaines paroles restèrent incompréhensibles pour le garde, et elles l'étaient peut-être, mais il pensa tout simplement que cela suffisait faire entrer cet homme puisqu'il semblait plus entrain à la conversation qu'à la guerre. Et le compliment sur l'honneur le satisfaisait pleinement.
Oma commença à marcher lentement, toujours avec sa cape, sur les pavés du boulevard lui procurant une douleur épineuse au vu du glaçage des heures passées.
Il ne fit pas attention au jeune soldat, et continua sa route vers le château. Il traversa ce qui semblait être la place du marché, où à cette heure-ci les stands étaient recouverts de rideaux dont la couleur était indéfinissable au vu de la noirceur de la nuit. Car Dame Halinna avait retirée les torches anciennement installées la nuit, pour ne pas troubler le sommeil de ses sujets.
Pourtant, l'on pouvait percevoir une certaine odeur propre au marché. Un parfum délectant une sensation parcourant le corps tout entier d'un frisson à chaque respiration. Cette enivrement était constitué notamment d'images odorantes venant à la pensée, l'on pouvait entrevoir un sac de poudre cuivrée aliénée à une odeur forte mais douce de cannelle. Puis, juste à coté, un tonneau de bois préservait l'odeur délicieusement délicate d'abricots égalant le doux toucher de sa surface lisse et fragile rappelant une chaude poitrine parfumée des rues de Paris. Mais Oma ne pouvait pas s'empêcher de plonger aussitôt sa main dans un sac rempli d'haricots blancs, comme si une mère rugueusement inoffensive nous attirait au plus profond des abysses infinies.
Mais le temps n'est pas à la rêverie. La recherche du seigneur Koveras, ainsi que de l'ambassade était son objectif principal. Le froid était oubliée avec toutes ces sensations imaginaires et la fatigue commençait à le remplacer.
Ce fût au bout d'une demi-heure de marche dans les rues ternes et sans parfums, mis à part les égouts humides dont la description sensationnel ne sera pas faite, que l'ambassade se trouva sous son nez. Il ouvrit la porte et quémanda les lieux de repos pour les chevaliers de l'Hantihar. Il y fût conduit par un garde prévenant et tactile, qui ne gêna pas l'homme pour une raison inconnue mais aussi au vu de sa fatigue qui pesait maintenant sur la force de ses paupières.
Comme il ne portait que sa cape, et n'avait sur lui qu'un pantalon marron ainsi qu'une chemise grise, le soldat tactile le déshabilla et le recouvrit d'une couverture de laine promise à une chaleur tant attendue. La salle de repos se fit noire, il ferma les yeux, seul, dans cette petite salle aménagée récemment, enveloppée d'un parfum de bois humide, ainsi que de foin ou d'avoine rappelant les écuries constituées d'une panoplie de senteurs. Une seule idée lui vint à l'esprit avant de s'éclipser au monde vide du repos :
:
-"Han ne doit pas savoir que je suis là, il serait mécontent je pense. Demain, j'essaierai de m'informer au sujet du seigneur Koveras mais aussi de l'avancement des négociations. Quant à ce soir, il est temps de dormir sans craintes."

La lumière du jour pénétra dans la chambre humide, et Oma remarqua qu'une autre personne dormait sur un lit voisin. Quoiqu'il en soit, il n'y fit pas attention, il était trop engagé ce matin à mettre en action sa volonté. Il sorti de l'ambassade, et devant lui se découvrit une merveilleuse cité en mouvement. Des marchands, des dames de compagnies, des chevaliers, des bourgeois, des chiens, des chats, tout s'y confondait. Il décida d'en faire de même pour atteindre le château.
Il s'enivra de parfums au contact de la foule qui l'emportait, une odeur forte de parfum de rose venant de la soie de ces demoiselles puis une odeur de poisson grillé que portait une femme vêtu d'un tablier ensanglanté. Une panoplie d'odeurs étaient là, mais il ne pouvait s'y attarder, sa présence en ces lieux avait déjà durée trop longtemps.
La foule devint de moins en moins dense au fur et à mesure qu'il avançait, et après quelques minutes, il arriva au bout du boulevard, celui où il n'y avait personne ou presque. Deux gardes étaient postés devant l'entrée du château de sa majesté. C'est avec un faible ton inoffensif qu'Oma dit qu'il venait de l'ambassade des chevaliers de l'Hanithar. Et c'est après une demi heure de justification et de conventionnelle royal que l'on put entrer. Un contraste fut remarquer entre les marches de pierres brute à l'entrée du dehors et les marches de marbre vert doux à l'intérieur conduisant à la salle de la reine. Deux grandes portes d'or et de rouge étaient déjà ouverte et un garde champêtre cria le nom de l'ambassadeur.
Oma avança, quelque peu assourdit, sur le tapis rectangulaire bleu royal et s'arrêta à genoux, le plu humble possible au vu de la beauté aveuglante de sa majesté, devant dame Halinna.
D'une voix inoffensive ne laissant paraître aucune personnalité, l'on entendit de la bouche sèche d'Oma :

-Mes respects très cher souveraine Halinna.

-....

-Permettez moi de me présenter : je suis de l'ambassade des chevaliers de l'Hanithar, le chevalier Oma, je sais bien ce que vous pensez, je n'ai peut-être pas à être ici.

-....

-Ne vous inquiétez pas, je ne vous embêterai point fort longtemps et vous n'aurez pas discourir avec moi. J'ai eu vent des négociations. Même si j'ai l'envie de les faire avancer, je ne pense pas que ce soit vraiment nécessaire, je ne suis pas tout puissant. Et vous devez vous demander qu'est ce qui peut bien m'amener à prendre de votre précieux temps d'Altesse.

-....

-He bien, mon excellence, trêve de discours : je viens demander où puis-je trouver seigneur Koveras ?

Tout au long de la séance de monologue, Oma était resté agenouillé, la tête basse, immobile, posant ses yeux sur une petite paillette, tombée de la chaussure de la reine si proche du visage de l'ambassadeur, afin de ne pas être divertit ou troublé pour garder un discours solennel et respectueux, au vu de faire percevoir sa requête le moins ridicule possible.

Écoutant le discours toujours agenouillé, un silence se fit dans la salle, Oma se releva et l'on pouvait percevoir sur son visage qu'il était quelque peu outré de l'ambiance qui ne convenait pas à un château tel qu'on le dit. Quoiqu'il en soit, il daigna regarder la reine pour une raison inconnue. Soit irrité par son humeur, ou par respect. Sûrement les deux.
Il ouvrit la bouche pour parler, puis ne dis rien et la referma. Il paraissait hésitant à discuter maintenant avec cet homme qu'il estimait haut au vu des discussions privées entretenues auparavant, et aussi mal à l'aise. Songeur, il avait les yeux toujours fixant le sol, les sourcils plissés, sa main frottant son menton. Quelque chose le préoccupait.
C'est d'un ton grave et avec une expression discrètement irrité qu'il dit :

-Seigneur Koveras.... (soupir) j'aurais aimé m'entretenir avec vous. En tête à tête.

Puis il partit, commença à se diriger vers les portes allant de plus en plus rapide et tout aussi grave. Un air sérieux sur son visage regardant droit devant lui.
La salle commença à commérer.

Arrivé dehors, il faisait gris, bien moins beau qu'il y a quelques minutes. La foule était éparpillée, presque inexistante. Il se mit à pleuvoir. Oma continua à marcher du même pas, regardait par terre la pluie commençant à donner aux pavés un gris de plus en plus sombre. Les parfums s'étaient évaporés laissant place à l'odeur gris de l'eau du ciel maintenant noir, cette odeur sans nom mais connue de tous rafraichissant le visage rouge de l'homme. Ce rideau infinie était de plus en plus passionné et le pas de l'homme était de plus en plus lent. Il devait visiblement aimer ce genre de pluie. Cette averse qui n'agresse pas, qui ne fait pas mal, qui nous fait prendre un air de mélancolie, qui accompagne.
Il avait envie de rester là, dehors sous la pluie. Mais la honte serait multipliée par deux. Il décida alors de rester dehors mais pas au milieu de la rue. Se dirigea lentement vers le stand de marchand pourvu d'un toit le plus loin. Mais pas si éloigné que ça puisqu'il y arriva en 1/2 minute.
Il s'accouda à ce stand inoccupé, et paraissait attendre. Paraissait. Mais il réfléchissait à ce qu'il devait faire maintenant.
C'est au bout de plusieurs minutes qu'il décida qu'il était resté bien trop longtemps et qu'il devait partir le lendemain, la nuit. Car il aimait la nuit et le froid. Et qu'il aimait aussi le conventionnel...
Mais il resta tout de même ici, accoudé au stand tristement dépourvu d'odeur mis à part son bois humide. La pluie coulait sur son visage, venant de ses cheveux maintenant sombre et en bataille dégageant une certaine senteur, heureusement le toit ne le couvrait pas totalement.

Il s'arrêta net aux paroles d'Han. Revint s'accouder au stand et reposa ses yeux sur les pavés maintenant noirs. Han en fit de même mais ses yeux, eux, dévisageaient l'homme. Un léger sourire s'affichait sur le visage regardé, et, les bras croisés, fût parcouru d'un délicieux frisson. Tout cela était inutile, sans avenir. Un silence se fit avec seul fond le ruissellement de la pluie. Puis, c'est après quelques minutes qu'Oma répondit, par un autre question, de sa bouche maintenant hydratée :

-Pourquoi sommes-nous ici ? Nous ne sommes pas vraiment les bienvenus, c'est évidant.

Levant les yeux maintenant au ciel :

-Tss, pourquoi nous allierons nous à parodie religieuse entremêlée à un honneur chevaleresque hypocrite ?

Le ton était parfaitement en symbiose avec les paroles. Pourtant Han, offusqué dans un premier temps, ne dit mots et reprit un sourire tout en regardant le visage de l'homme. Il savait que de pareilles paroles n'était qu'une distraction pour éviter autre chose.
Puis, l'homme regarda cette fois ci Han, et avec un air sérieux de sourcils plissés il dit :

-En fait, j'étais venu ici pour faire un choix. Mais je connais maintenant la réponse, je sais ce que je dois faire. Je rentre demain, c'est décidé. M'accompagneras-tu ?

Après un certain temps de silence, Oma, tout en reprenant sa fixation songeuse sur le sol accompagné d'un certain sourire, il rétorqua :

Oh... suis-je bête. Non, oublie ce que j'ai dit. Oublie toutes mes paroles, elles n'ont aucun sens, tout comme ma présence. Je rentrerai demain.

Puis il resta ici, à coté d'Han qui ne le regardait plus. La pluie continuait, et il la savourait. Cette pluie, s'écoulait sur son visage tel un pleure. Il ne voulait pas partir, elle lui accordait un étrange monde. Un monde que tout le monde semble fuis lorsqu'il s'abat, tout le monde fuit et se met à courir. Pas Oma, ce rideau lui procurait l'évasion du monde extérieur, ce qui l'entourait n'existait plus, il lui était étranger. La pluie s'accordait parfaitement à l'univers de l'homme accoudé ici. Le rideau occultait la vérité apparente. Cette averse de passion pouvait s'apparenter à une douce brise, une douce caresse chaude d'illusion. Alors que la vérité revenait lors de la fin de la passion illusoire, telle une grande claque de réalité.
Alors, Oma attendit, attendit rien. Que la claque survienne. Mais son espoir était que la claque devienne plus douce alors il attendit.

Toujours les yeux fixes au sol. Un air sérieux n'affichant aucuns sentiments quelconques, Oma, aux paroles d'Han et à la venue attendue du seigneur Koveras, se mit à les regarder successivement de plus en plus rapidement au fur et à mesure qu'un gêne silencieux s'imposait de plus en plus pesant. La pluie se mit à s'arrêter. Le voile fût levé et la vérité se mêla à l'illusion. Hésitant à parler, mais contraint, Oma ouvrit sa bouche, tout en redirigeant ses yeux sur le vide devant lui afin de ne pas ressembler trop à une poupée détraquée, et c'est d'une voix presque triste, une gorge plutôt sèche qu'il admit ne pas savoir où il en était. Que le choix personnel complètement hors sujet au cœur de la diplomatie était détraqué. Puis il continua ainsi sur ce ton là de la tragédie exagérée :

-"Non.....", l'homme regarda Han d'un air inquiet puis Koveras, "non", et revint à son point de départ de vision, "je dois partir, immédiatement. Une force.... inconnue jusque là", presque sanglotant,"... ah... je dois partir."

Un silence très burlesque se fit, la moquerie du talent présentée ici de comédien était contenue. C'est en jetant un coup d'œil à sa droite, qu'Oma, s'adressant à Koveras, dit :

-"Je dois réfléchir, loin de tout cela, je part demain, oui, demain."

Puis, se retournant vers Han, s'approchant de lui, le prenant par les épaules et le regardant dans les yeux au plus près de son visage, il lui dit sur un ton familier :

-"M'en veux-tu ?.....", entre quatre yeux se plongeant l'un dans l'abysse bleu l'autre dans le vide étoilé d'un trou noir, l'on rajouta :

-"Je vais devoir partir, m'exiler de l'armada, je vais devoir te quitter temporairement, prendre... en quelque sorte du recul... Han.... je suis désolé...., m'en veux-tu ?"

La scène était presque digne d'une tragédie grec, "presque" car inappropriée. Alors elle resta figée, ainsi, sous la lune se faisant maintenant découverte à l'occasion d'un nuage percée par sa lumière tandis que les nuages continuaient à s'envoler, relevant la brume illusoire défaite sous une lueur de véracité.
Cependant un nuage resta présent, immobile dans le ciel, le nuage percée par la lune occultant encore un peu cette source