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 Le crépuscule des dieux (Grepolis)

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AuteurMessage
Stilico
Héraut du Calice, Chancelier de la Détentrice
Stilico


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MessageSujet: Le crépuscule des dieux (Grepolis)   Le crépuscule des dieux (Grepolis) Icon_minitimeMer 18 Jan - 16:07

Le Crépuscule des Dieux


C'était à Clermont, chef-lieu de l'Auvergne , dans ce qui restait de la Gaule romaine, 471 années après la naissance du Christ...

Et voici que le Goth, bouffi d’orgueil, caracolait sur un cheval fougueux au milieu des escadrons répandus dans la plaine. Il avait couvert son cheval d’une peau de lion, avait chargé de fourrure ses flancs robustes, afin que, sur cette crinière de fauve, son allure eût plus de prestance. Il n’y avait pas moins d’orgueil chez son coursier qui, dans sa fierté sauvage, avait du mal à demeurer en place, et son impatience blanchit le mors garni de pointes qui lui dompte la bouche. L’orgueilleux guerrier parada dans cette attitude devant les remparts et fit décrire des cercles à son cheval décoré de phalères d’or, et du regard et de la voix, il lança des menaces en me fixant, moi, à côté de mon parent.
Je me retournais : les hommes étaient peu nombreux, et leurs armes misérables.
Je baissais le regard : nos murs étaient noircis par le feu, quant des balafres marquées par une mousse humide ne signalaient ses vieilles faiblesses. On l’avait renforcé sur les instances de mon beau-frère, l’évêque Sidoine, gendre de feu l’empereur Eparchus Avitus, digne descendant de la gens des Avitii…mon père.
Je revis quelques instants le visage marqué par les saisons de celui que ces mêmes Goths avaient soutenu, et qui m’avait sourit tranquillement tandis qu’il était partait à Rome, où il devait être déposé, puis traqué par ce qui restait de sénateurs, du moins se qui en faisait office... S’il était là, peut-être aurait-il pu dénouer ce drame, et rétablir une fois encore la concorde perdue.
« Es-tu sûr de ce que tu vas faire ? Euric a déversé sur nous toutes ses hordes engendrée par les plaines de Scythie, et ce sont des milliers de titans enragés, sentant le beurre rance et l’oignon décati que tu veux défier ainsi. Je te connais, Ecdicius : à l’ombre des cyprès je t’envoyais la balle, avant même que tu ne préfère saisir ton épieu et traquer le sanglier. En toi coule le sang d’une auguste lignée, mais l’âge des Coriolan et des Horatius Coclès n’est plus…
- Je le sais, Sollius.
- Les Burgondes viendront peut-être. Ils ne peuvent se permettre de laisser ce fourbe barbare empiéter ici au seul de leur territoire. L’évêque Patiens de Lyon m’a écris récemment que…
- Le temps des promesses et des lois n’est plus, Sollius. La Rome que tu vantes encore aux nôtres, je l’ai vu, comme toi du reste. Tu apaises leurs âmes d’une coquille vide. Ton jardin des Hespérides a depuis longtemps été bafoué. Ne me blâme pas, Sollius. Mais j’ai assez attendu.
-Tu es aussi noble qu'arrogant. Ne cherche pas à te sacrifier inutilement. Plus personne ne sait chanter les ôdes épiques qui t'auraient rendu immortel... »
Sentant monter en moi un ressentiment coupable pour cet homme qui avait servi trois empereurs et épousé ma sœur, je retins ma main qui se crispait sur le rempart enserrant Augustonemetum. Alors mes yeux se tournèrent silencieusement vers les panaches qui s’élevaient des pagi voisins, et je pensais à aux vignes que j’avais soigné, aux champs que j’avais ensemencé, aux greniers que j’avais garni, aux demeures que j’avais orné. La simple idée de ces braillards crachant dans mes coupes, traçant leurs sots dessins d’un brandon sur mes fresques, s’en prenant à mes affranchis, me soulevaient de dégout.
« Regarde. Phébus fatigué s’est lassé des beuglements des sots, et le voilà qui se dissimule peu à peu derrière les seins de la douce Gaïa…
- Il est rouge sang. Cela conviendra. »
Je me retournais vers les miens, discernant en bas mes quelques hommes, déjà apprêtés. Une foule rustique brandissait des armes de fortunes, au milieu des masures vieillissantes, enserrant la récente église aux colonnes de marbres encore frappés des rinceaux de l’ancien odéon. Je descendis lentement les escaliers, tandis que résonnait le barritus des Wisigoths au-delà des murs, et le fracas de lances entrechoquant de lourds boucliers.

Une fois de plus, nous avions refusé le combat. De toute manière nous ne pouvions pas le livrer. Avec quelle armée ? Certes, j’avais levé à mes frais quelques centaines de larrons. Et les femmes de la ville s'agenouillaient à mon passage, leurs enfants serrés contre leur sein, pour leur avoir donné du pain à l'arrivée de mon équipage. En majorité des colons et des affranchis, quelques barbares aussi. Face à nous, enserrant ce qui reste de la noblesse romaine d’Auvergne, les fils d’Alaric, les vainqueurs d’Andrinople, les forceurs des portes de Rome, le fléau de l’Aquitaine et de la Civilisation. L’empereur, du moins celui qui l’était au cours des semaines qui me reviennent à l’esprit, avait un temps demandé à un roi Breton, Riothamus, d’assaillir ces Goths qui progressaient en Narbonnaise. Mal en avait pris à ce dernier. On dit que le vieil homme, réfugié à la cour burgonde, les épaules affaissées, continue de compter ses guerriers perdus. Où sont donc les légions de César ? De Trajan ? Celles qui portèrent les aigles sur l’Elbe, et le laborum sur l’Euphrate ? Où sont les Julien, les Constantin, les Aetius ? Sans doute errent-ils dans l’Elysée, du moins cette sorte d’Enfer pour les braves dont parle sans cesse Sollius depuis qu’il s’est consacré à Dieu, il y a plus d'un an an maintenant.

Je pris mon repas en silence, ne remplissant guère ma coupe afin de préserver les dernières mesures de ce qui restait de vin de Gaza. J’avais préféré resté seul, et faire installer ma couche face aux portraits de cire de mes aïeux. Là, je me sentis l’âme en paix, et put murmurer :
« Toi, Christ Sauveur qui périt et pourtant revint, Agneau parmi les loups qui a donné son pardon aux hommes, considère le sort de tes enfants, et bannit les hérétiques qui nous assiègent de notre terre, qui est la tienne. Et toi, Esprit saint, qui a empreint Marie l’Ancienne, fortifie mon cœur et nimbe moi de ta protection. »
Les masques de cire ne répondirent pas, évidemment. Et je me pris à penser qu’ils ne comprenaient pas ce que je pensais. Seigneur ! Pardonne au pêcheur de t’avoir invoqué par d’autres noms que le tien, et d’avoir voulu atteindre ta bénédiction par d’autres chemins que celui de l’Unique !
« Jupiter Magnus Optimus, Mars au bras vengeur et toi Minerve à l’égide protectrice, puisse votre fureur accabler l’impie et faire dépérir et son bras, et son corps, et son cœur. Et que par mon fer je vous offre mon sang en libation, avant de répandre le leur. » Saisissant le couteau d'argent, je m'étais entaillé le poignet, et fit couler quelques gouttes de mon fluide vital, d'un rouge généreux, dans le vin.
J’avais alors tendu ma coupe à demi-vide, seul dans la pénombre, et jurais avoir vu vaciller quelques lueurs derrière les masques…

« Dominus, nous sommes prêts. »
Syagrius a toujours été fiable. Comme ses aïeux du reste. Il faisait partie de cette sorte de gens que dédaignait Sollius, incapables qu’ils étaient de réciter un vers d’Homère, ni même quelques hexamètres de Virgile. Toutefois, Syagrius savait comment manier la lourde hasta et transpercer deux hommes avec sans tomber de son cheval. Et je n’ai jamais vu un sénateur en faire autant, même Aegidius.
Tendant mes membres, je laissais les esclaves défaire ma tunique et la remplacer par les linges adéquats. Puis on s’appliqua à lasser les entrelacs de mes jambières, à agrafer les attaches des plaques flexibles, tandis que se promenaient des mains inquisitrices sur les écailles de ma cuirasse, percée de coups de taille et d’estoc. Enfin, on mit mon casque creux, et m’aida à attraper le pommeau de ma selle. Ma spatha ,la lame ébréchée, me fut remise et, du haut de ma jument, je pus admirer les reflets de la lune sur les dix-huit statues métalliques qui allaient m’accompagner. Leurs masques de bronze faisaient de mes hommes des dieux dont chaque geste cliquetait. Les chevaux retinrent quelques hennissements, et semblaient supporter leur lourd manteau d’écailles. Je fixais mon propre visage de métal, avant de faire en silence le signe habituel.
Dans l’obscurité précédant l’aube, et dans un silence ponctué des hululements coutumiers, nous sortîmes. Je distinguais, sur le rempart, la silhouette familière de Sollius et crut discerner un geste de bénédiction. Il ne serait pas de trop. J'avais suggéré à Sollius de faire également quelques sacrifices. Il m'avait répondu que c'était là superstition. Je lui avais rétorqué que l'évêque de Rome avait bien fait venir des devins étrusques, afin de faire s'abattre la foudre. De son visage calme et las, mais orné d'un sourire indulgent, mon beau-frère avait soufflé:
"Et quel fut le résultat?"

L’aube. Phébus s’en est revenu de sa tendresse avec la terre, et le voici qui se dresse à nouveau, faisant s’illuminer les motifs de nos cuirasses, et la finesse des traits de nos masques de bronze. Syagrius attend à ma droite. Il semble chercher la meilleure emprise pour sa lance. A ma gauche, Victorinus agite son scutum : son bouclier avait déjà reçu de sérieuses entailles. Je me retournais : mes seize autres statues de métal étaient là, silencieuses.
L’aube. L’heure macabre. Celle où la lumière matinale révèle les corps à jamais assoupis. Une fois encore. Je fis le signe.
« Avante ! »
Nos montures avancèrent doucement, accélérant peu à peu, tandis que de leurs naseaux sortaient un souffle de plus en plus puissant.
Un Romain ne tue pas de nuit.
Alors, tandis que nous descendions la crête, apparut le campement aux centaines de feux, aux braillements gutturaux familiers, et aux tentes bigarrées. Un cri retentit, sans doute la sentinelle. Nous entamons la charge.
« Porro ! »
Un Romain ne tue pas de loin.
Je distingue une scène désormais familière. Un Goth au casque à cimier rouge beugle des ordres que je ne comprends pas, pour autant que je le vois au travers des minces orifices de mon masque. Les hommes courent à leurs armes, tandis que les sentinelles, avinées ou mal postées, se dressent devant nous.
Une forme surgit d’un taillis. L’homme porte des moustaches blondes. Sa tête semble petite, peut-être à cause de son crâne rasé, orné d’une touffe de cheveux laissée sur son front. Il semble dresser une lourde épée, qu’il agite au dessus de sa tête et de son corps à la tunique bariolée. Sa fureur dissimule mal sa peur d'affronter des dieux de fer. Je ne peux m’empêcher de fermer les yeux lorsque sa lame se fracasse contre mon bouclier, me forçant à m’affaisser sur ma monture pour ne pas tomber, en dépit de la haute selle, déjà moite de sueur. Tandis que ma monture continue sa course, j’entends un bruit sec, suivi d’un cri rauque. Aucun doute, le mort n’avait pas de casque. Nous sommes donc toujours dix-huit. Et les Goths quelques milliers moins un. Mes compagnons ne connaissent plus Virgile, mais les derniers des Romains savent se battre. Qu’on le leur l’accorde.
« Deus irae ! »
« Roma victor ! »
« Deus vult ! »
Chacun des miens pousse son cri. Pour la quatrième fois cette semaine, les derniers des Romains lavent leurs fers dans le sang des Barbares. Je crois voir au loin luire un masque. Mes aïeux me voient sans doute, depuis le Ciel...ou depuis l’Olympe. Moi, Ecdicius Avitus, de la lignée des Avitii, vir illustris, fils d’Auguste, ne peut retenir un cri ancestral, issu du plus profonde mon être, tandis que se dresse à nouveau mon bras qui s’apprête à ôter une vie, une fois encore :
« MARS ULTOR ! »

C'était à Clermont, six années avant la déposition du dernier empereur, tandis que disparaissaient Rome et tous ses dieux...
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