Halinna et la forêt magique (c'est elle qui a voulu ce titre!) (niark niark)

Le Nord et ses montagnes immaculées.
Le Sud et ses steppes enneigées.
L’Ouest, vallons, bosquets et villages endormis.
L’Est et son insondable forêt.

Les pas du veilleur produisaient un crissement atroce sur la courtine de glace. Toutefois ce n’était rien en comparaison des rugissements qu’engendraient habituellement les bottes cloutées d’acier en râpant sur les remparts de pierre. La glace avait avantageusement joué ce rôle pour l’enceinte extérieure, sous ces latitudes, il ne faudrait que quelques retouches au sortir de l’été et la muraille serait tout aussi invulnérable… A l’inverse, la tour du fortin était, elle, de pierre, couronnée de hourds auxquels pendaient mollement, à peine agités par le vent matinal, les oriflammes cérunéens. Une nouvelle fois le veilleur abima son regard dans l’horizon, toujours rien. L’aube commençait à poindre, les rayons du soleil ne tardèrent pas à se faire aveuglants sur le paysage immaculé. Bientôt la relève…

_ Encore une nuit calme, hein mon gars ? M’est avis qu’il est passé ailleurs…

Le veilleur se retourna, emmitouflé dans une pelisse de loup, un sergent lui tendait une cruche en terre cuite. Les volutes de fumée en trahissaient son contenu, du vin chaud. Jusque là il n’avait pas réalisé combien il faisait froid, ça ne serait pas du luxe…

_ Nan, j’pense pas, y doivent se voir ici il parait. Le chevalier a rien dit pour qu’ça reste secret, mais y commence à s’dire que l’intendance à ramené pas mal plus que d’habitude…
_ Pff comme si tu y savais quelque chose, toi ? Tu rêves Brafi…
_ Brafi ? Ca veut dire que j’peux t’appeler Naken ?
_ Penses-y pas trop il va t’arriver des problèmes, c’est pas pasque j’ai connu ton père…
_ Un homme en approche !

Le sergent attrapa sa pique tandis que de ses doigts gourds le veilleur ajustait un carreau pour son arbalète. Venant des bois ils ne tardèrent pas à observer une petite forme, celle d’un être humain, se mouvoir en direction du fortin. Il s’en fallut encore de quelques minutes afin d’identifier l’individu, un rôdeur-royal. Les couleurs cérunéennes allaient à merveille pour opérer en toute discrétion dans la nature hostile de ces latitudes. On avait juste prit la peine de transformer l’argent en un gris terne plus discret… L’homme progressait vouté, sa cape légèrement lestée frottait la neige derrière ses pas, effaçant le peu de trace que laissaient ses raquettes.

_ Au nom de la reine ouvrez ! Je suis rôdeur-royal et j’ai des informations qui pourraient intéresser sa majesté !
_ Ca m’fait mal de l’dire mais tu as pet’être raison Brafi, y s’passe des choses… Ouvrez la porte les gars !
_J'me trompe ou c’est la première fois qu’tu m’donne raison ?
Souriant doucement l’intéressé leva la cruche en direction de l’arrivant en signe de remerciement puis bue à sa santé une rasade de vin chaud.


Le rôdeur revenait de la forêt du druide Gradeaniar, quelques mouvements récents sauraient attirer l’attention de la reine. Le chevalier Koveras y était entré. Les traces d’animaux semblaient indiquer que le druide avait marché avec eux, peut être à sa rencontre... Enfin il n’en avait pas moins trouvé trace d’un animal peu commun semblant se mouvoir tantôt sur quatre, tantôt sur deux pattes, à la façon d’un ours…

_ Mouais… Son histoire de bête bizarre j’y crois pas trop, il avait peut être prit trop de vin chaud le jour ou il a trouvé ces traces… Remarque j’ai toujours dis qu’il s’y passait des choses pas naturelles là-bas.
_ Possible, moi ça me rappelle la fois ou on a arrêté un voleur, il avait tellement fêté son butin à la taverne qu’il faisait trois pas debout et quatre dans la neige…

Le sergent rit en disant cela. Il repensa néanmoins à son arrivée dans la région, on y avait brûlé un druide après qu’un loup, étrange comme là aux dires des témoins, ait tué un enfant d’un village tout proche. Nombreux étaient alors ceux qui avaient songés à organiser une grande battue contre le cercle druidique tout proche. On aurait alors passé tout ces anciens par le fil de l’épée… Une autre guerre en avait décidé autrement, mobilisant hommes et deniers.

_ Regarde des bannières et des cavaliers arrivent de l’Ouest !
_ Cérunéens, aucun doute, mais certainement pas l’intendance ni des renforts… Attends… La bannière royale ! Va prévenir Sir Oeven !

Une cinquantaine de cavaliers faisaient route en direction du fortin. La matinée touchait à sa fin, sous les rayons du soleil de midi, les armures des chevaliers et la barde de leurs montures brillaient de milles éclats miroitants sur la neige. La couronne de Cérune toute d’argent et de saphirs entrelacés était ceinte par la première cavalière, la reine Halinna. Presque à ses cotés quoique légèrement en retrait, son énigmatique conseillère, masquée, arborait une cape d’un rouge sang là ou celle de sa souveraine était d’un bleu azuréen.
A l’approche de la troupe, le fortin était entré en ébullition, partout les hommes s’activaient, depuis le page qui aidait en sa chambre Sir Oeven à mettre son armure, au dernier des marmitons qui s’activait à remettre de l’ordre en cuisine. Les hommes d’armes délaissaient leurs fourrures pour revêtir leurs non-moins chaudes, mais plus rares en la région, tenue d’apparat. Déjà se formait une garde d’honneur dans la cour, tandis que d’autres en hâte aiguisaient leurs armes, lustraient leurs armures, époussetaient leurs surcots. Jamais le fortin n’avait semblé aussi vivant.
Le répit fut d’à peine quelques minutes avant que la troupe équestre ne se présente à la porte de la place. Comme le voulait l’usage, ce fut le porte-bannière royal qui s’avança vers la porte afin d’en réclamer l’ouverture au nom de la reine.

_ Mouvement en provenance de la forêt Sir! C’est en approche !
Coupé dans son élan, le porte-bannière hésita. Il se retourna pour chercher une indication de sa souveraine, celle-ci observait le mouvement lointain…

L’on venait de sortir des bois pour entrer en ces terres de glace, ce voyage était bien une idée farfelue, mais assurément ça changerais un peu de la cité Ezkanienne, un peu de distraction après beaucoup de sérieux. Partis la dernière lune les trois compères avait fait halte en Galathorn par un jour de marché. Fouinant à travers les étales chacun avait trouvé quelque objet qui fit son bonheur. Si comme le dit le proverbe voleur, à Ezkanya « on trouve de tout, y compris et surtout ce dont on vous a détroussé quelques heures plus tôt», les marchands affichaient ici de plus opulentes richesses.

Qu’y a-t-il à voler à Galathorn ? Tout ! A commencer par les cassettes trop lourdes qui chargent les bras des pauvres marchands du coin, il serait charitable à nous de les en délester ! C’est ce qu’avait déclaré Ackenan à ses compagnons de route, une fois en vue de la ville.

Ainsi fut dit, ainsi fut fait, Il n’y eut bien qu’un garde pour s’opposer aux jeux du roi des voleurs, néanmoins il fut bien vite éconduit à travers les ruelles et étales du marché. Les compagnons festoyèrent alors dans l’une des auberges de la ville, pour n’en repartir que le lendemain après une courte nuit du moins pour leur chef et pour la fille de salle…

Direction Cérune, mais pour cela il fallait traverser la forêt de Gradeaniar, « brin d’ignare » comme le surnommaient les plus urbains de ses camarades, s’il ne partageait pas nécessairement ce trait d’humour, Ackenan ne comprenait en rien l’intérêt de vivre dans les bois, la ville avait bien plus d’opportunité à offrir à l’audacieux qui saurait les saisir.

Qu’y a-t-il à voler chez Gradeaniar ? Interrogea le plus jeune de ses complices.
Ca c’est une très bonne question ! Disons… Une fleur ! Ouais, ça ira, ça ou une pierre précieuse, mais c’est plus rare. Répondit Ackenan en souriant à l’idée d’un forfait aussi consternant.

Si l’on c’était attardés à Galathorn, l’on passa bien vite la forêt, aucun d’eux n’était un homme des bois, mieux valait ne pas s’attarder, à défaut de fleur, au passage d’un cours d’eau, c’est sur une grenouille qu’Ackenan jeta son dévolu. Celle-ci au fond de la musette devenant le quatrième membre du groupe, promise à un bel avenir culinaire, selon l’humour du moment, mais plus vraisemblablement à une mare un peu plus loin…

Après de longues heures à chevaucher dans les bois, les hommes en virent enfin l’orée. Vint alors la question rituelle, posée par le « chef ».
_ Qu’y a-t’il à voler en Cérune ?
_ Les Saphirs de la couronnes, risqua le plus vieux.
_ La virginité d’la reine ! Rétorqua le plus jeune, assurément la réponse avait fusée et déclencha l’hilarité des compagnons. Il s’en fallu de quelques instant pour qu’Ackenan ne se reprenne.
_ Tu veux prendre ma place en m’envoyant à la mort ? On raconte que ses amants meurent de froid avant même d’avoir rejoint sa couche.

Les hommes se remirent en route, devant eux se dressaient une grande tour de pierre, solitaire, flanquée d’un rempart de glace. Un groupe de chevalier attendait à l’entrée, si Halinna était déjà arrivée c’est qu’ils étaient en retard, aussi Ackenan commença t’il à songer à une « excuse »…

Les lourds ventaux en bois de la porte du fortin s’ouvraient en grinçant sur leurs gonds tandis qu’émergeaient des bois les silhouettes de trois cavaliers. La capuche de son manteau masquait le visage du premier cavalier. Il ne semblait par arborer d’armure de prime abord, toutefois les arêtes saillantes par endroit laissaient présager de l’existence de quelques pièces de protection, vraisemblablement de cuir en dessous de ses rudes habits de voyages. Ackenan, elle sourit un instant à l’idée de faire arrêter le gredin aussitôt qu’il serait arrivé. La liste de ses forfaits présumés et signés était assez longue pour l’envoyer à la potence. Surtout, toutes les gardes de Thassopole pâliraient devant un tel coup d’éclat. Ayant suffisamment médité la question et jaugé les cavaliers en approche, la jeune reine observa par-dessus son épaule, déjà de nouveaux étendards et l’éclat du métal se distinguait sur la neige. C’est alors que l’exhalation bruyante d’un homme arrivant en courant et le mouvement de son cheval la ramena au fort.
Un homme, un rodeur, descendait du fortin en courant dans la neige épaisse. Il s’arrêta au bas de sa monture manifestant la volonté de ne s’ouvrir de son propos qu’à sa seule personne. Elle se pencha alors sur l’encolure de son cheval pour recueillir ses confidences.
_ Majesté, le chevalier Koveras… il est dans les bois, avec le druide, il a des hommes avec lui.
_ Voilà qui est inattendu. Bien qu’affectant de rien, elle savait que cela pourrait changer la donne.
_ Doit-on revoir nos plans ? demanda l’homme, avant de se raviser sur son outrecuidance.
Son air contrit fit sourire sa souveraine
_ Non, je ne crois pas, je pense même que nous en tirerons avantage, cela nous épargne le voyage pour Galathorn.
_ Bien, reprit l’homme en reprenant courage.
_ Néanmoins, vous direz au Chevalier Oeven, que nous reviendrons ici tôt ou tard, les chariots de l’intendance sont à quelques heures de marche. J’escompte bien que tout soit prêt nous ne sommes points au blanc palais mais il s’agit néanmoins de faire au mieux.
_ Oh, et le druide semble avoir appelé ses animaux. L’information ne parut point, là encore, surprendre la reine.
_ C’est un druide, que peut-on attendre d’autre de lui qu’il ne vive avec son engeance ? Qu’importe, si nous ne parvenons points à nous attendre avec lui nous ne manquerons pas de pelisse pour l’hiver !
_ Les lieux ont été reconnus et marqués comme vous l’aviez exigé. La zone me semble suffisamment riche pour l’établissement et les marins y trouveront de quoi construire de nouvelles nefs.

L’homme se retira aussi promptement qu’il était venu et déjà les cavaliers Ezkanyens était là. Ils s’immobilisèrent face aux chevaliers cérunéens. Aucun des trois cavaliers n’eut le moindre mal à identifier la reine. Son armure, finement ciselée en quelques figures légendaires de ce royaume antique de Cérune. L’éclat d’argent en étant parfois relevé de touches dorées. La nuit de ses cheveux retenue en une natte s’écoulait sur les plaques de son armure. Les ténèbres de ces-derniers mettaient en valeur la couronne dont glace des saphirs ne rappelaient que trop le regard qu’elle portait sur son hôte. C’est d’ailleurs un bâillement opportun qui vint accueillir la révérence peu protocolaire d’Ackenan.

_ Mes hommages, Reine Halinna de Cérune.
_ Sieur Ackenan d’Ezkanya, vous me permettrez l’impasse sur le titre de «Roi » des voleurs que vous aimez vous donner.
_ Voilà qui me navre au plus haut point, pensez-vous que je ne le mérite pas ?
_ Ackenan d’Ezkanya, maudit par tous les marchands de Thassopole, recherché dans tout royaume peu ou prou soucieux de ses gens, connu sous divers noms comme auteur ou commanditaire de plus de vol qu’il n’est nécessaire pour finir au bout d’une corde.
_ Vous voyez...
_ Je le reconnais votre capacité à marquer les registres de justice des royaumes font sans conteste de vous un pair parmi les voleurs. Néanmoins je récuse l’idée que vous puissiez êtres de quelque façon que ce soit mon égal en la royauté.
_ Ne nous querellons pas sur une question de titulature, vous l’avez dis, l’on m’appelle de trop de manière pour que je m’en soucis réellement. Si cela vous chagrine et bien je ferais en sorte d’usurper le titre d’un de vos nobles seigneurs…
_ Fournissez-moi ce motif et je veillerais personnellement à votre exécution.
_ C’est trop d’honneur.

Ackenan fit d’un signe venir à ses cotés l’un de ses compagnons de route, celui-ci lui tandis un petit coffret dont il se saisit. Il fit alors avancer son cheval jusqu'à coté de celui d’Halinna et le lui tendit à son tour.

Celle-ci parut hésiter un instant avant de s’en saisir.

_ J’en oubliais presque les civilités, voici un présent pour vous.
_ Un présent pour moi ? La reine, perplexe, se surprit à sourire, voilà qui était inattendu d’un individu pareil.
_ Allons, je ne suis pas le dernier des manants, il m’arrive d’avoir quelques manières. J’espère simplement que vous ne me ferez pas l’affront de demander s’il s’agit d’un présent volé.
_ Je crois avoir la réponse, le sourire de la reine se fit acéré.
_ Je suis ravi de voir que vous me faites confiance cette fois.
_ Mais bien entendu.
_ C’est une broche, l’œuvre d’un orfèvre d’Ezkanya, le poinçon à son revers saura vous le prouver.
_ Mais je n’en doutais point.
_ Bien peut être le moment est-il venu d’aborder le sujet de ma venue ?
_ Oh rassurez-vous, il s’agit simplement d’une invitation de courtoisie afin que nous puissions faire connaissance. Nous pourrons également nous entretenir sur la fin de vos larcins en mes terres…
_ Fort bien, mais je ne suis qu’un honnête artisan, j’ignore si mon influence jouera.
_ Ne vous sous-estimez point, je suis sûre que vous aurez assez d’influence pour peu que vos intérêts le soient tout autant. Mais nous auront tout le loisir de discuter de compensation au cours d’une réception.
_ C’est là une riche idée que je ne peux qu’approuver madame.
_ Cependant, il se trouve qu’auparavant j’ambitionne d’effectuer une petite ballade en les bois de Gradeaniar tout proches, vous pouvez vous joindre à nous, ou bénéficier de l’hospitalité du fortin.


La troupe à pied avait rejoint les chevaliers et déjà la colonne s’ébranlait à nouveau, en direction des bois. Forte d’une centaine d’homme dont une dizaine de cavaliers caparaçonnés, celle-ci progressa sans halte plusieurs heures durant dans la forêt. Le bruit des hommes marchant au pas faisait taire les bruits de la nature en répercutant un grondement sourd. En tête, de l’expédition Halinna, suivie d’Ackenan, guidait celle-ci en suivant les conseils de deux éclaireurs. Puis l’on vit la marque laissée par les rodeurs, plusieurs arbres entourés de cordelettes argentées, l’on fit donc halte à proximité .Un officier de l’infanterie vint s’enquérir de ses ordres aux pieds du cheval de sa reine.

_ Votre majesté que fait-on ?
_ Une petite butte de terre, un ruisseau non loin, je crois que cet endroit fera parfaitement l’affaire, fabriquez moi donc un appeau à druide.
_ Un appeau à druide vous dites ?
_ Oui, un appeau à druide, je suis sûre qu’il ne manquera pas d’attirer Gradeaniar. Il faut bien que nous soyons en mesure le joindre selon nos besoins.
_ Je vois, bien, j’ai hâte de voir à quoi cela va ressembler.
_ A vos ordres madame, tout sera prêt rapidement.

Tandis que chevaliers et hôtes se regroupaient au sommet de la butte, une quarantaine d’arquebusiers prirent position autour de celle-ci à intervalles réguliers. Le reste de l’infanterie, sous les ordres de quelques lieutenants vint alors prendre place. Une cinquantaine d’homme aux plastrons d’aciers étincelant sous les maigres rayons de soleil se repartit aux pieds des arbres de la zone délimitée. Les hommes ainsi déployés, portaient tous sur l’épaule une hache, c’était de solides gaillards venus de l’une des troupes les plus célèbres du royaume. Chacun d’eux s’apprêta à porter le premier coup, puis une fois en position, ils attendirent l’assentiment royal. Il ne fallut pas attendre longtemps, un hochement de tête de la souveraine suffit et chaque homme s’exécuta, il s’en fallut alors de quelques secondes, une poignée de minute peut être, pour que le premier arbre soit abattu.


Il s’en fallut d’une paire d’heure pour que les arbres de la butte ne soient plus que des gisants. Le labeur ayant progressé plus rapidement encore que ne l’avaient prévus les plan initiaux, les hommes furent récompensés, à l’arrivée d’un chariot de l’intendance, par une bonne ration de vin et une longue pose. Les cavaliers avaient mis pieds à terre et devisaient autour d’un feu, Cérunéens d’un coté, Ezkaniens de l’autre. Les hommes qui s’était improvisés bucherons avaient pour la plupart ôtés leurs cuirasses et discutaient à cheval sur leurs victimes. Seuls les arquebusiers ne connaissaient pas de relâchement de leur discipline. Ackenan discutait avec Halinna sous l’œil attentif de sa « conseillère ». Lasse de porter l’armure, la reine cérunéenne, profita quelques dizaines de minutes plus tard de l’arrivée de certains de ses bagages pour remettre ses hommes à la tâche afin de se changer. C’est sous le regard de l’ezkanyen que la dame au masque commença à défaire les rubans de soie azure qui sanglaient l’armure de sa reine. Le prince d’Ezkanya esquissait un sourire devant ce spectacle au comble de l’érotisme si l’on en croyait les rumeurs circulant sur la royale roideur, la plaque révélait une tenue à peine moins austère. Mais cela en était surement déjà trop pour son assistante qui dardait sur lui un regard venimeux. Détournant le regard afin d’éviter tout incident diplomatique fâcheux, il se frotta le menton comme pour se redonner consistance. La barbe avait poussé au cours du voyage, pas vraiment une façon de se présenter devant une dame, la reine serait occupée un certain temps, il ne lui couterait rien de se rafraichir également.

La forêt raisonnait maintenant des grands coups de hache qu’administraient les soldats aux cadavres d’arbre pour les débiter en matériaux de construction, déjà certains même commençait les travaux de terrassement, creusant un fossé encerclant la bute. La clairière ainsi crée avait des faux-airs de scierie à ciel ouvert.

Après avoir observé ce spectacle, pour le moins surprenant au cœur d’une forêt druidique, Ackenan s’en retourna auprès de ses camarades, ceux-ci jouaient à celui qui tricherait le plus autour d’une partie de carte. Il observa un instant l’audace du plus jeune et la technique de l’ancien. Aucun d’eux n’était dupe des passades de l’autre, finalement peu importait les cartes, l’important était de parer aux subversions de l’autre. Après quelques instants, il se détourna, puis s’armant d’un miroir d’acier, il sortit de sa botte une dague effilée comme un rasoir opéra.

_ Alors battu par ce vieux crouton ? T’inquiète ça nous est tous arrivés au moins une fois. Mais ya un truc, faut le connaitre et après tu verras ça ira tout seul…
_ C’est sa barbe me semble, le jeune affichait un sourire satisfait.
_ C’est foutrement ça, j’sais pas pourquoi mais il a s’te manie de se frotter la barbe chaque fois qu’il est dans une mauvaise passe, il sait que ça le perd mais c’est plus fort que lui.
_ Ouais enfin faut bien s’occuper, pas spécialement sympa ces chevaliers. La reine a pas l’air mieux dans l’genre. Les ragots disent toujours vrai, surtout les miens…
_ Bha ! Qui sait ? Peut-être que débarrassée de quelques atours elle serait plus avenante…
_ Eh ? Vous croyez pas que tout ce tintamarre dans les bois ça va fâcher le druide et les esprits ? interrompit l’ancien en arrivant.
_ Bha j’ai survécu aux courroux d’un certain nombre de maris et de bon père de famille qui m’en voulaient d’avoir inculqué quelques savoirs à leurs épouses ou filles si tu vois s’que j’veux dire, alors bon… J’y survivrais encore et toujours.
_ Arrête de faire le fanfaron ya pas de demoiselle à impressionner là.
_ Diable, ça faisait si longtemps que ça que je ne t’avais pas traité de vieux rabat-joie ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise moi ? J’ai déjà du mal à me raser avec cette satanée lame c’est pas moi qui vais couper un arbre avec. Si le druide vient, ben il verra avec la demoiselle, c’est son idée pas la notre nous on est invités, on s’occupe de rien et on attend la suite des événements.
_ Mouais, une chose est sûre je crois pas que le druide va bien le prendre moi…
_ Probablement, mais je paierais cher pour voir sa tête le moment venu !
_ Bah j’aime pas les forêts t’façon, vivement qu’on rentre à Ezkanya, ou Galathorn, les ombres s’y payent bien y parait…

Un dernier coup de lame et le rasage s’achevait, sommaire, mais satisfaisant.

_ Alors vous en pensez quoi, c’est réussit ?
_ Un vrai damoiseau. Ca t’rends pas mal plus jeune. Je dis ça pasque voyager avec deux vieux grigoux barbu ça me donnait l’impression d’être un bambin. Mais là comme ça, ça vous va bien chef.
_ Ben voyons ! T’occupe ça te viendra assez tôt, deux ans pas plus, quand je pense qu’y pas une dizaine d’année j’étais un p’tit con comme toi…
_ Ouais faut r’connaitre que l’vieux là l’est bien plus que toi !

Le regard noir du plus vieux ne semblait pas indiquer une approbation de la dernière remarque, une tape sur l’épaule suffit néanmoins à le dérider. Ackenan rangea son attirail, tandis que l’ancien assit sur un rondin se mettait en devoir de faire partager son savoir en racontant pour la énième fois l’un de ses coups d’éclat les plus mémorables. Pendant ce temps au sommet de la butte, l’on avait planté une tente de campagne. Cela permettrait à la reine de se changer à l’abri de toute indiscrétion.

Seule sa mystérieuse conseillère avait accompagné Halinna sous sa tente. Tandis que la reine se dévêtait de ses pesants dessous d’armure avec l’assistance de la femme masquée, elle se remémorait à voix basse quelques éléments importants au sujet des individus qu’elle serait amenée à rencontrer.

_ Ackenan, un pendard, Gradeaniar, un sauvage et Koveras, un parvenu. Voilà de bien singuliers alliés, Ackenan, l’un des plus grands maîtres voleurs de la région, mieux vaut avoir ses ombres de mon coté que chez l’adversaire mais il reste un ennemi au sein de mon royaume par son influence sur les malandrins. Si notre alliance tient je peux espérer un fort recul des actes de ses mécréants et les coups de mains de ses sbires à l’extérieur de Cérune. Gradeaniar, qu’en espérer ? Peut être certaines ressources naturelles qu’on ne trouve en notre royaume, la magie druidique même si j’y répugne, peut être certaines connaissances sur les anciens également. Koveras, il saurait servir nos intérêts financiers et pourrait fournir un appui militaire relatif, mais c’est un mercenaire, on ne peut donc qu’avoir une confiance limitée en cette aide. D’apparence… mmmh… Bien Ackenan semble se prendre pour l’un de ses voleurs sournois mais soucieux de faire bonne apparence. Koveras, une espèce de capitaine mercenaire se prenant pour un chevalier, avec l’armure rutilante qui sied. Gradeniar… Nous le saurons sous peu…

Débarrassée de sa tenue d’armure Halinna ouvrit le coffre de ses bagages. Son attention se porta sur une simple robe de voyage azure. La fraicheur et l’humidité des bois exigeait que l’on s’y habille chaudement aussi y associa t’elle un long et chaud manteau assorti dont le col était rehaussé de fourrure. Les lieux se prêtaient bien mal à l’élégance, puis qu’y comprendrais un druide de toute façon ? Elle accrocha à son manteau le présent d’Ackenan, une broche figurant l’étoile d’argent du Nord. Elle esquissa un sourire, un cadeau de bon gout de la part d’un tel individu finalement le druide connaitrait peut être certains usage et Koveras serait-il plus docile qu’elle ne le pensait… Il lui plaisait de tout changer aussi retira t’elle les rubans de soie bleue et argent qui retenaient ses cheveux en une natte. Elle en profita également pour déposer sa couronne sur le cousin de velours azuréen qui lui servait habituellement de reposoir. Ca irait pour le moment, elle sourit à sa conseillère qui avait durant ce temps retiré son masque, celle-ci lui rendit la pareil puis elles sortirent une fois qu’elle l’eut remit.

Les travaux avaient avancés bon train et déjà une enceinte de pieux commençait à faire le tour de la butte. Halinna poussa un soupir, les archivistes avaient écumés registres sur registres pour trouver l’existence, en de vieilles chroniques, d’une tentative d’implantation humaine en ses terres. La famille noble à l’origine de l’initiative s’était perdue dans les limbes du temps, toutefois cela donnait le droit à la couronne de rebâtir une redoute en ces lieux. De plus la vacance de la couronne druidique était un contexte on ne peut plus favorable pour faire prévaloir d’anciens droits sur ces terres dont les richesses de bois étaient inexploitées.

_ La nuit commence à tomber, pas d’animaux, pas même d’oiseaux à croire que nous sommes les seuls êtres vivants dans le coin… souffla la femme masquée.
_ C’est vrai, je ne l’avais pas encore remarqué…
_ Je crois que tous ça commence à rendre les arquebusiers nerveux, si le druide venait à paraitre à l’improviste il pourrait se faire tirer dessus par erreur, ce qui ne serait certes pas un bon début…
_ Qu’adviendrait-il si l’un de nos arquebusiers venait à tuer le druide Gradeaniar ?
_ Hum, je l’ignore on dit que les druides et les anciens ont des règles particulières en ce qui concerne les problèmes de succession. Mais en vérité j’ignore s’il y a d’autres druides ou anciens dans cette forêt, il me semblait que Gradeaniar était le seul, dans ce cas, s’il mourrait nous serions libre de prétendre à la couronne druidique.
_ C’est la une idée que je trouve assez séduisante, un accident est si vite arrivé, intéressant…

La soirée venant, l’on dressa quelques tréteaux pour le repas du soir, le seigneur Ackenan, ses compagnons et les chevaliers cérunéens furent invités à la table de la reine, la nourriture y fut frugale mais abondante. Une nouvelle ration de vin chaud fut accordée à tous les hommes en récompense du labeur accompli. L’on s’abstint toutefois de tout tapage superflu et bien vite chacun se remit au travail, il fallait que l’enceinte soit prête pour la nuit…

Des torches avaient été distribuées aux arquebusiers qui patrouillaient par deux autour du campement, l’on en observait la flamme par intermittence entre les arbres. Celle-ci faisait luire sur leurs casques et cuirasses un sinistre éclat orange dans l’obscurité qui succéda à la chute du soleil derrière l’horizon. L’on attendait sous peu l’arrivée du druide, dans la soirée, peut être seulement le lendemain dans la matinée ? Néanmoins un mauvais brouillard se levait dans les tréfonds des bois, il fut alors décidé de replier les arquebusiers sur l’enceinte maintenant terminée.

RP à quatres mains, deux orteils et 1€50

L'humidité et l'orage menaçant avaient réveillé les vieilles blessures, et les secousses du galop des jours précédents n'arrangeait rien à l'affaire.
- Quelque chose ne vas pas messire?
Décidément, ce jeune blanc bec que Koveras lui avait imposé l'insupportait. Certes, le comte Eliadas était de bonne famille, certes les relations dont il bénéficiait, l'argent qu'il possédait et les bannerets qui le suivaient amenaient à s'en faire un ami. Mais cette impudence et cette fichue bienséance nobiliaire l'horripilaient. Et en plus, il fallait qu'il soit beau et jeune, l'armure flambant neuve et l'épée ciselée d'or.
- Bien sûr que ça ne va pas! Tu crois que ça me plait de chevaucher sous la pluie pendant des jours et de rester là, à des lieues d'une foutue forêt d'un foutu druide! Et tout ça parce que môsieur le capitaine veux "tester" la réactivité de son "collègue" de la forêt! Quitte à lui refourguer des gobs! Et quand bien...
-Sauf votre respect messire, il me semble-
-Rien à foutre! Et je t'ai déjà dis d'arrêter avec tes messires! Ch'uis pas un nobliau moi! J'ai pas pété dans la soie et mangé dans des coupes en argent! Moi c'est mon épée qui m'a nourrit!
-Certes mais...
-Oui oui je sais. "Koveras est membre du conseil", "Koveras est le sauveur de Galathorn", "Il a ramené l'ordre et la prospérité". Pas encore ces foutus sermons! J'étais là, avec lui, alors même que tes semblables se planquaient dans leurs manoirs ou crevaient en tentant de sauver leurs biens! Et moi je te dis qu'il me fait chier ton foutu Kov-Quoi?
Orgon avait cessé de s'agiter et sa voix rauque s'était arrêté net en voyant la mine méprisante du jeune chevalier. Un bref instant il s'imagina lire dans ses pensées. "Et dire que je suis obligé d'obéir à ses rustres, et plus encore à cette sombre brute malpropre qui jure sans cesse sur le dos de son fieffé maître".
-Ouais, je sais. Tu penses que j'ai encore bu, ou qu'je vais trahir le capitaine. Ah mais ça jamais de la vie vois-tu, jamais jamais.
Il prit la bouteille se trouvant dans la sacoche de son destrier et but une gorgée au goulot. Il rit d'un air inquiétant après avoir essuyé ses longues moustaches poivre et sel.
-Vois-tu, le capitaine me les brise menu très souvent, mais je reconnais que j'ai jamais aussi bien festoyé et vécu que depuis que j'ai commencé à le soutenir. Et puis, faut dire qu'il est pas stupide héhéhé.
Le jeune comte le regardait en se demandant s'il était déjà ivre.
-Non non non, le capitaine ne fait rien au hasard. Nous on est là à se les geler au cas où le druide soit un abruti et qu'il ai besoin d'aide pour les gobs.
-Je sais, mais je voulais vous dire que...
-Mais pas seulement héhé. En ce moment, même il y a quelques "accidents" en ville, et il vaut mieux que tu sois là, crois moi.
Orgon sentit une onde de joie mesquine lorsqu'il vit le visage interloqué et inquiet du comte.
-Si tu es là, c'est parce que Koveras t'aime bien. Très bientôt, les autres membres du Conseil vont être...."écartés". Les évènements étant un peu chauds, mieux vaut pour tes fesses que tu sois là...et que lui ne soit pas mêlé directement à ce qui se passe en ville. Tu comprends?
-...Je...Je suppose oui.
-Bien, alors? Que voulais tu me dire?
-...Et bien...Et bien il semble qu'un de nos éclaireurs aient repéré des étendards de Cérune à la lisière de la forêt. Des arbres tombaient. J'ai pris l'initiative de rappeler tous nos éclaireurs pour ne prendre aucun risque.
Orgon allait hurler...mais se retint. Eliadas avait bien fait. Mais que faisait des troupes cérunéennes ici? Koveras n'avait pas mentionné ça dans ses plans! Et des arbres qui tombaient? Ils défrichent la forêt d'un druide? Tout cela ne lui plaisait guère. Le capitaine et futur maître incontesté de Galathorn lui avait fait confiance en lui confiant le XIIème bataillon. Les cinquante cavaliers qui se reposaient à côté de leurs montures, sans feux et en pleine nuit, pestaient à l'idée de moisir ici, quand bien même il s'agissait des ordres.
-Devons-nous intervenir? Ou bien faire connaître notre présence? Après tout les cérunéens sont censés être nos alliées non? Je suis volontaire pour aller voir de quoi il en retourne!
Orgon se caressa les moustaches. Il était tenté d'accepter...
-Non. Nous suivons les ordres. On reste là et on attends. Que les hommes restent en alerte, je veux qu'ils soient prêts à agir. Si les Dieux le veulent, nous n'aurons rien à faire. Dans le cas contraire, et bien tu découvriras la différence entre le tournois et la bataille. Et les Gobs?
-Ils ont été aperçus de l'autre côté de la forêt, ils semblent prêts. "L'agent" a rejoint sieur Koveras...
-Bien.

HRP : Je me permet d'insérer ce petit "apparté" qui me permet de faire avancer mon RP personnel quant à Galathorn, tout en ajoutant un brique à l'édifice complexe en train de s'échafauder. Vous n'êtes bien évidemment pas obligé d'en tenir compte pour la suite, je vous laisse le choix. Après tout, Orgon a été très clair : le XIIème bataillon de la cavalerie galathornienne n'aura peut être pas du tout à intervenir

Sortie de sa tente la jeune reine héla le capitaine de sa troupe, c'est au moment ou celui-ci approchait qu'une des sentinelles signala l'arrivée des oiseaux, depuis l'arrivée en ces bois pas un seul ne s'était montré et là une nuée progressait en direction du camp.

La scène était sans équivoque, enfin le druide daignait réagir. Halinna esquissa un sourire satisfait, il n'apprécierait pas le campement, qu'importe il viendrait. La reine fit donner l'ordre à ses hommes de cesser toute activité et de se replier en bon ordre dans l'enceinte. Si elle s'était préparée à une éventuelle démonstration du druide, elle fut néanmoins surprise de la pluie d'édelweiss, plutôt agréablement d'ailleurs. Elle n'en donna pas moins certaines consignes à son capitaine. Si quelque soldat fanfaron se piquait d'arborer cette fleur, il serait pendu sur le champs. Aucun n'eut l'audace de transgresser la sentence royale.

La frasque des oiseaux terminée, ce fut le tour d'un tout autre spectacle. Les arquebusiers épaulèrent et ajustèrent la curieuse procession qui émergeait des bois, des loups, des ours et... ...une biche. N'eut été leur comportement étrange les animaux eurent déjà été abattus.

Les créatures sylvestres continuèrent d'avancer jusqu'à ce qu'une proclamation se fit entendre au loin dans les bois :

Voici notre reine , vous parlez d'égal à égal avec celle ci comme le veux votre protocole civilisé.

Halinna en eut rit si du fond des bois on ne l'eut précédée. Celui-ci terminée elle se contenta de taper des mains un instant comme pour applaudir quelque spectacle, mais sa posture roide assurait qu'elle n'y goutait point. Puis elle se dérida et fit signe à son capitaine.

_ Oui majestée ?
_ C'est une fort jolie reine que nous avons là ne croyez vous pas ? Répondit-elle pour être ouï de tous
_ Euh oui, c'est... ...enfin... une belle biche je suppose. Le capitaine semblait hésiter mais sa reine de reprendre sous la forme d'un élan théâtral volontairement grotesque
_ Une biche ? Allons regardez mieux ! Jetez-lui donc du vin qu'elle puisse le laper, et admirez moi ce civet! Cette terrine! Ce rôti ! Nous pourrions en faire un festin royal ! A moi, que quelques malveillants accusent de faire brûler le sang royal, on me livre une reine aussi appétissante ?! Pourquoi diable ne pas donner raisons à mes détracteurs pour une fois ?! Et puis s'ils avaient déjà raison, ayant fait brûler une reine par le passé rien ne me retiendra de cuire celle-ci... Messieurs vous n'aurez pas deux fois la chance de vous payer une tranche de Reine !

A monter ses hommes ainsi, elle savait que tôt ou tard un coup de feu finirait par claquer au milieu des rires. Peut être un des animaux serait-il touché, probablement, mais la vraie question était de savoir si le druide en prendrait le risque.

Nom de dieu Ebert! Déga.(grognements)..Dégage ton pied!
Buck souffrait bougrement dans cet arbre aux branchages humides. Et le pied qui venait de lui écraser la main droite n'arrangeait rien à l'affaire.
S'cuse Buck. Mais avec toutes ces...
Vos gueules!
L'ordre avait beau être soufflé, l'intonation était formelle. Mieux valait obéir pour les deux coupes jarrets. Bien qu'inconfortablement installés dans cet arbre, ils pouvaient suivre le spectacle qui s'offrait à eux.

Evrard était sans doute le mercenaire qui ressemblait le plus à un gentilhomme. C'est sans doute pour cette raison que Koveras acceptait plus facilement sa compagnie et ne lui lançait pas de noirs regards lorsque le soldat osait quelques remarques.
Et bien! Pour sûr la donzelle sait y faire. Ses hommes sont bien positionnés et sacrement retranchés...
- Bien sûr. Tu t'attendais à ce qu'elle chevauche une mule escortée par deux ou trois kobolds?
Le capitaine ne put s'empêcher de sourire à l'idée de la reine de Cérune en semblable posture.
Non, je n'ai pas accepté la préséance d'Halinna à l'assemblée du Calice pour rien. Et puisqu'elle semble vouloir jouer des muscles avec notre druide chevaucheur de biches, autant profiter du spectacle.
Ainsi la dizaine de Galathorniens observa silencieusement, à l'abri des arbres et des bosquets de la forêt, l'échange entre l'étrange Graedeniar et la redoutable Halinna. Bien que la reine avait fait ouvrir les portes, la tension était palpable. Finalement, et puisque son nom avait été évoqué, le capitaine préféra s'avancer. Il demanda cependant à ses hommes de rester à couvert et d'attendre, selon ce qui avait été prévu.

Bien que quelques peu ternis par les récents trajets en forêt , le plastron du Dictateur de Galathorn restait remarquable et ses vêtements d'autant plus écarlates que du sang de gobelin les avait souillé. Il décida de garder son heaume, la visière relevée. Un panache blanc y avait été ajouté.
Son épée pendait à son côté, et ses solerets s'enfoncèrent quelque peu dans la terre humide. Il avança d'un pas lent, très lent, de façon à gagner le plus de temps possible. Mais aussi afin que chacun put bien l'identifier et que son entrée en scène force le silence et les regards. Le capitaine aimait ça.

Comme on pouvait le prévoir, un silence accueillit son arrivée aux côtés du druide et de ses animaux. La reine observait, apparemment curieuse, à l'entrée de son fortin. Alors, le capitaine choisi de retirer son heaume. Les mains se tenant les hanches, d'une voix claire et volontairement joyeuse, il héla la reine de Cérune. L'ancien mercenaire entrecoupa chacune de ses paroles d'un temps. Car c'est bien de temps qu'il s'agissait...

Hola Belle Dame! Quelle heureuse surprise en vérité! Moi qui désespérait de ne voir que sangliers et hiboux, voilà que la louve a rameuté sa meute! Puisse vos pattes ne pas être trop sales et les vôtres trop fatigués d'avoir bûcheronner si férocement! Malheureusement vous arrivez en retard !

Le capitaine marqua un temps plus long , puis reprit :

L'armée venue s'attaquer au sieur Graedeniar, loyal serviteur du Calice, a été repoussé! Il faut croire que ses biches ont de sacrés sabots!
On entendit quelques rires provenant du fortin mais aussi, plus discrètement, dans les bois.
Ne vous en déplaise gente Dame,vos troupes sont superflues et elles ne servent de rien! Nul besoin de les enfermer derrière votre palissade!
Que vos hommes démontent donc ces protections inutiles,car pas la moindre peau-verte ne viendra caresser votre doux visage. De plus, je crois savoir que le chevaucheur de biche qui se trouve à mes côtés ne goûtent guère les joies d'un toit, fut-il de bois ! Que votre accueil soit donc moins froid ! Venez sans crainte saluer votre hôte Graedeniar comme il se doit, et non nous recevoir comme de vulgaires brigands avec qui négocier ici, dans ce bois qui n'est ni votre bien ni le mien! Alors nous nous réjouirons d'entendre la raison de votre venue autour d'une bonne tablée en votre compagnie!


Le capitaine eut une pointe d'inquiétude. La reine semblait sur le point de rétorquer lorsque le sol gronda. Une tâche brune se déplaçant rapidement apparut sur une colline voisine, tandis qu'un cor se mettait à sonner. Une sentinelle cérunéenne s'écria :
L'étendard de Galathorn!
A ce son, si doux aux oreilles du capitaine, ses hommes sortirent du bois comme convenus et se postèrent quelques pas derrière leur seigneur.
Au cours des quelques minutes où la reine de Cérune sembla donner des instructions, le XIIème bataillon de cavalerie galathornien se positionna sur une colline située non loin, légèrement en hauteur. On pouvait évaluer la troupe à une cinquantaine d'hommes.

Orgon se tenait droit sur sa selle. Son demi-heaume le rendait impressionnant et sa vigueur semblait revenue tandis que sa main caressa un instant l'extrémité de sa hache de lancer. Le comte Eliadas était lui méconnaissable dans l'armure de plates complète ciselée d'argent aux armes de sa famille, un cerfs ailé cabré. Le grotesque était en fait d'observer à leurs côté l'être petit et mesquin qui avait jouer le rôle de messager : Goulza le gobelin. Toujours en noir, rouge et blanc, le petit être gloussait. Il avait remplit sa mission, et Koveras le récompenserait surement.
Ohohouuuuu glou gloum... le capt'ain a dit d'attendre ici maintenant. Ni trop près ni trop loin, faut juste qu'on fasse sentir qu'on est là.
Le comte Eliadas détestait Goulza et l'ignora complètement. Orgon acquiesça sans mot dire. Mieux valait ne pas chercher querelle avec le serviteur du capitaine.

Ackenan était parvenu jusque là a faire oublier sa présence, toutefois le nombre de représentant de l'ordre quel qu'il soit ne cessait de croitre autour de lui, ne manquant pas de le mettre passablement mal à l'aise. Il éprouvait la désagréable sensation d'être prit dans une souricière. Et quel souricière ! Les membres du Calice étaient assemblés, par pour le meilleur apparemment à en juger par les réponses cinglantes de la reine et le déploiement de force galathornien. Finalement le moins menaçant de tous était probablement le druide... Si l'on n'eut été dans une forêt... Une chose était sûre les événements prenaient un tour intéressant.
Face à une situation aussi tendue Ackenan jugea utile de faire une des choses qu'il affectionnait le plus, il s'esquiva. Les hommes d'armes galathornien et cérunéens le remarqueraient probablement s'il tentait de franchir l'enceinte, il pourrait néanmoins réussir avec un peu de chance. Puis, il resterait les diableries d'animaux du druide, voilà pourquoi il n'aimait pas la nature, toujours un animal pour venir vous flairer les bottes et signaler votre présence... Il faudrait nécessairement trouver autre chose, puis bon il fallait bien l'admettre il attendait la suite.

Il était resté allongé là ou il avait dormit et c'est feignant d'être assoupi qu'il avait réfléchit. Elle était là la solution, il opta donc pour faire comme si de rien n'était et de rester a reposer ainsi. Ses deux compagnons de route eurent tôt fait de comprendre l'idée et de l'imiter en remarquant le léger sourire narquois de leur chef officiellement en train de faire la sieste. Et chacun de se pelotonner plus encore dans sa couverture. Ainsi quelque soit l'issu de ces échanges on ne saurait l'incriminer de quelque manière. Il lui suffirait le temps venu, de rallier l'avis du gagnant.

L'idée lui traversa l'esprit de prendre les paris sur l'issu de l'échange qui opposait les trois autres protagonistes. Le druide était chez lui, le mercenaire avait l'avantage du nombre, avantage relatif puisque les troupes de la cérunéenne était sur la frontière toute proche, mais avantage quand même. La reine, elle, il le savait éprouvait les plus grandes difficultés a ployer genoux. Finalement c'est lui qui y gagnerait ni vu ni connu, et c'est cela qu'il aimait. Il attendait donc que la situation évolue d'elle même sans qu'il y prenne le moindre rôle quand soudain...

_ CROAAA ! Couac ! Crooaaaa ! Crooaaa ! Bing ! Croaaa !

Voilà que sa besace dont il se servait d'oreiller se mettait à faire un vacarme de tout les diables au moment même ou les trois compère du Calice observaient un silence de mort. Le sang d'Ackenan n'avait fait qu'un tour suite à cette déclamation saugrenue ponctuée de bruits sourds de métaux cognés. Après ça il aurait manifestement attiré l'attention de tous à son grand désarroi.

_ J'le crois pas ! C'est ste saloperie de grenouille ! La garce est rentrée dans le tube à son du vieux de Vertla. La garce a failli me rendre sourd ! Elle va plus croasser longtemps foi d'brigand !

Tout en jurant Ackenan fouilla fébrilement dans sa besace pour chercher au milieu de son fourre-tout hétéroclite le fameux tube à son fruit d'un larcin récent commis lors de son passage en Galathorn.

_ Bonk ! Bing ! CROAAA crooa ! La grenouille semblait décidée à le narguer.

Ackenan finit par mettre la main sur le fameux tube. Il en pointa une extrémité sur la paume de sa main et porta l'autre à ses lèvres avant de souffler de toutes ses forces dedans. Ceci éjecta la grenouille jusque dans sa main.

_ je l'ai ! Je l'ai ! Saloperie d'grenouille !

Heureux comme un gosse il savourait son triomphe en observant la vile bestiole. Ce n'est qu'alors qu'il réalisa vraiment qu'il venait d'attirer l'attention du campement et probablement d'au delà. Il affecta alors de faire comme si de rien en glissant la damnée bestioles dans sa poche. Bon cette fois il faudrait faire autre chose que s'esquiver. Il épousseta sa tenue de voyage, puis se porta d'un pas nonchalant à hauteur de la reine comme si de rien n'était. Si l'événement semblait avoir distrait les gardes, il ne saurait s'il en était autant des trois protagonistes de la conversation. Depuis la hauteur de la butte ou la reine avait établit son campement, il pouvait enfin observer directement Koveras et Gradeniar.

Après une courte révérence à son hôte la reine, il adressa un signe de salutation de la main aux deux autres seigneurs du crû.

_ Croa geignit de maniéré presque imperceptible la grenouille.
_ Ackenan ? La cérunéenne semblait perplexe
_ Seigneurs du Calice nous voici tous rassemblés, Je vois que notre bon druide a même amener la nourri... hum ses animaux... et bien hum... Que faisons-nous ?